La taxation des héritages : une mesure de justice ou une extorsion de fonds ?

notaire

La pensée unique a horreur de l'héritage. C'est vrai pour notre culture, pour notre Histoire, pour toutes les traditions qui nous attachent au passé, nous enracinent dans le présent et nous permettent d'affronter l'avenir. C'est vrai aussi pour l'héritage familial, honni au nom de l'égalité des chances. À l'approche de l'élection présidentielle, le Conseil d'analyse économique (CAE) vient de publier un rapport proposant d'alourdir la taxation des successions.

À gauche, l'argument principal pour taxer l'héritage serait donc celui de l'égalité des chances. On préconise parfois d'attribuer à chaque individu, à sa majorité, une dotation universelle qui serait financée par une augmentation de l'imposition sur le patrimoine. Jean-Luc Mélenchon, qui ne pense qu'au bien du peuple, propose de plafonner l'héritage à 12 millions d'euros, représentant 100 fois le patrimoine net médian. Ces mesures sont justifiées par le souci d'une plus grande justice sociale, mais il est difficile de ne pas y voir aussi comme un relent de lutte des classes.

À droite, on préconise le plus souvent un allégement des droits de succession. Nicolas Sarkozy s'y était essayé. Valérie Pécresse, dans son programme, veut rendre plus fréquents les dons défiscalisés des parents et grands-parents, voire des oncles et des tantes. Bruno Le Maire, qui vient de la même famille, a récemment envisagé une semblable mesure. Ce serait une façon d'encourager les Français à donner plus régulièrement à leurs enfants, pour relancer l'économie ralentie par la crise sanitaire.

Deux candidats se distinguent par leurs objectifs. Marine Le Pen veut aussi réduire le délai entre deux donations et exonérer les biens immobiliers jusqu'à 300.000 euros, « pour favoriser l'enracinement et la transmission ». Éric Zemmour propose la suppression des droits de succession sur les transmissions d'entreprises familiales. Tous deux, au-delà de l'intérêt économique de telles mesures, souhaitent défendre également la transmission du patrimoine familial. Ces mesures, raisonnables, détonnent dans le monde politique.

Si l'on y réfléchit bien, l'excès des droits de succession s'apparente à une véritable spoliation légale. Pourquoi ne pas laisser à chacun la faculté de léguer librement ses biens à ses proches, en veillant à une répartition équitable entre les membres d'une famille, s'ils ont été honnêtement acquis ? D'autant plus que, dans la plupart des cas, ils ont été déjà soumis à l'impôt et continuent de l'être. Sans compter que les plus riches ne manquent pas d'imagination et de conseils pour recourir à l'optimisation fiscale de leurs biens. Ce sont les classes moyennes qui trinquent le plus, proportionnellement à leurs revenus.

Sous prétexte de réduire les inégalités sociales, la taxation de l'héritage répond souvent à des motifs moins nobles, économiques pour les uns, idéologiques pour les autres. Elle traduit, dans presque tous les cas, une hostilité générale à la transmission, aussi bien du patrimoine financier que de l'héritage culturel et civilisationnel de la France.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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