La prison de Fresnes vire au centre aéré : après les courses de karting, les cours de rap…
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Fin juillet, la prison de Fresnes connaissait les honneurs des gazettes avec ces courses de karting opposant prisonniers et gardiens. D’où la polémique relative à cette opération « Kohlantess ». Il est vrai qu’au prix de l’heure de kart, de tels loisirs ne sont pas tout à fait à la portée du premier venu et surtout pas de ces Français dont le salaire ne laisse, en cette période estivale, guère le choix qu’entre se nourrir, se loger ou partir en vacances.
Comme si cela ne suffisait pas, la direction de cette prison vient de tomber une nouvelle fois pour récidive avec cette autre initiative répondant au nom de « Schtar Academy », le vocable de « Schtar » signifiant « prison », en verbiage délinquant. Quand les autorités emploient la langue des voyous, ce n’est jamais bon signe. Tout le monde sait ça, même et surtout les policiers… Et BFM TV de lever le lièvre, ce 7 octobre : « 21 titres, quatre rappeurs amateurs, des grands noms du rap français et déjà des centaines de milliers de vues sur YouTube. Le projet musical de la "Shtar Academy" sort son deuxième album ce vendredi. Derrière des textes habilement ficelés, quatre détenus de la prison de Fresnes triés sur le volet par Mouloud Mansouri, fondateur de l’association Fu-Jo. » À en croire Var-Matin de ce 11 septembre, Mouloud Mansouri, producteur de rap depuis dix ans, connaît le terrain mieux que personne, ayant passé autant d’années en prison dans les années 1990.
Toujours selon BFM TV, l’affaire ne fait pourtant pas que des heureux, dans la prison de Fresnes, notamment chez les gardiens. Cédric Boyer, par exemple, délégué du syndicat FO Pénitentiaire, s’interroge : « On peut se demander quelle est la pertinence de ce genre d’activité dans le cadre de la réinsertion des détenus. » Effectivement, on est en droit de se le demander, surtout lorsqu'on écoute la réponse de Mouloud Mansouri : « L’administration pénitentiaire a validé tous nos textes, sans censure. » S’il n’y avait pas de « censure », à quoi bon une « validation », serait-on tenté d’ajouter ? Et le même de prévenir : « S’ils viennent polémiquer, on saura quoi leur répondre et même les faire changer d’avis. » Des menaces ? Depuis l’affaire Kohlantess, ce producteur regrette d’être interdit de prison (voilà qui doit le changer) et de n’avoir pu réaliser un cinquième clip, pourtant prévu de longue date (le rap français devrait s’en remettre).
Et le même de justifier cette action, sans manifestement bien se rendre compte de la portée de ses propos : « C’est l’occasion de sortir plus souvent de leur cellule, de voir du monde, d’échanger, justifie-t-il. Ils ont un meilleur rapport avec le monde extérieur, c’est primordial pour la réinsertion. » Ah bon ? Car s’il y a bien une action à mener dans les prisons françaises, c'est de lutter contre l’insalubrité des lieux, leur insécurité chronique, leur surpopulation, triptyque odieux qui ne nous met pas exactement en tête des classements européens en la matière. Quant à la réinsertion, on ne voit pas très bien en quoi le rap pourrait aider à la manœuvre. Certes, ce n’est pas parce qu’on se trouve au violon qu’on doit apprendre à jouer du violoncelle, mais entre Mstislav Rostropovitch et Booba, il y a peut-être de la marge en matière de développement artistique personnel.
D’ailleurs, à quoi pourront bien servir ces raps où nos détenus racontent leur vie carcérale ? À se réinsérer dans la vraie vie ou à continuer de jouer les caïds dans leurs cités, sitôt remis en liberté ? Des stages de plomberie, de carrosserie, de menuiserie et, pourquoi pas, de droit ou de philosophie pour les esprits plus affûtés ne seraient-ils pas plus appropriés ? Bref, que cherche-t-on ? À les sauver ou à les enfoncer ? Aujourd’hui, trois de ces rappeurs sont dehors. Leur second disque serait sur le point de sortir, au contraire du quatrième artiste qui, lui, semble parti pour rester... La vie est décidément trop injuste.
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Au train où vont les choses, « les personnes en situation de sobriété subie », vexées voire jalouses, vont demander l’asile à Fresnes.