La pensée unique est en danger : Macron appelle les médias à se ressaisir !

Emmanuel_Macron

Emmanuel Macron semble ne pas pardonner aux médias d'avoir soulevé l'affaire Benalla, ni d'avoir donné tant de publicité au mouvement des gilets jaunes. Dans un entretien informel au Point, il les appelle à "se ressaisir".

Notre Président reproche aux médias, notamment aux chaînes d'information en continu - qui donnent le ton à la presse -, de ne pas faire un travail suffisant de "hiérarchisation" et d'"analyse". Ils subissent eux-mêmes l'influence des réseaux sociaux, mesurant l'importance d'un événement au nombre de vues. Et comme "la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère représentent 90 % des mouvements sur Internet", vous imaginez les ravages ! Le locataire de l'Élysée réfléchit donc aux moyens de sécuriser la qualité de l'information face à l'afflux des "fake news".

Quand on est intelligent comme lui, on est imperméable à cette manipulation, mais "pour des gens qui sont faibles, ou fragiles, ou en colère, cela a une espèce de résonance". Il faut "réhiérarchiser les paroles. Ça, c'est fondamental." Outre la loi contre la « manipulation de l’information », adoptée le 20 novembre 2018, il envisage donc de financer d'autres médias que le service public : sans doute estime-t-il que les subventions sont le meilleur moyen de garantir la neutralité d'un organe d'information.

Si, encore, il en tirait la conclusion qu'il faut exercer le jugement critique des citoyens pour qu'ils apprennent à distinguer le vrai du faux, qu'ils se méfient des préjugés, de la doxa, bref, qu'ils soient des esprits éclairés, toujours à la recherche de la vérité, et non les récepteurs d'un prêt-à-porter de la pensée ! On pourrait comprendre ses mises en garde. Mais c'est tout le contraire. Sans compter qu'il ne donne pas, lui-même, le bon exemple. Ainsi, dans l'affaire Benalla, on serait curieux de connaître sa version de l'histoire. Car le « complotisme » qu'il dénonce est le plus souvent la conséquence d'une absence de transparence.

Il y a pire. Dans le même entretien, notre donneur de leçons explique que, "si on veut rebâtir les choses dans notre société, on doit accepter qu'il y ait une hiérarchie des paroles" et se poser la question : "D'où tu parles ? Quelle est ta légitimité ?" Il va de soi, pour lui, que « le citoyen lambda » n'a pas la même légitimité qu'un député ou qu'un ministre et qu'il « ne représente que lui-même ». Il y aurait donc, comme pour les vins, plusieurs qualités de pensée : le grand cru serait garanti par la fonction, tout le reste étant picrate.

Bien plus encore ! Ne fait-il pas preuve, lui-même, de « complotisme » quand il affirme que les gilets jaunes radicalisés ont été "conseillés" par l'étranger ? Ou quand il s'étonne que Christophe Dettinger "n'a [it] pas les mots d'un boxeur gitan" : il affirme que "la vidéo qu'il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d'extrême gauche. Ça se voit !" On ne sait pas si c'est une pique contre les boxeurs ou contre les gitans, mais cette nouvelle petite phrase ne joue pas en sa faveur, alors qu'il vient d'assurer "faire beaucoup plus attention" à ses propos.

Finalement, ces confidences au Point montrent qu'Emmanuel Macron n'est pas près de changer. Non seulement il se montre toujours arrogant et méprisant, mais il semble avoir une conception singulière des libertés d'opinion et d'expression. Tout se passe comme s'il peinait à admettre que les gens puissent réfléchir par eux-mêmes : il faut donc penser à leur place pour éviter qu'ils ne se trompent. Curieuse conception de la démocratie et de l'exercice du pouvoir, qui se rapproche plus de l'autoritarisme dénoncé par George Orwell que de l'idéal républicain. À quand le ministère de la Vérité ?

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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