La France exit du Tchad : là où Barrot passe, la France dégage !

Capture d'écran © Fance 24
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Jean-Noël Barrot, notre ministre de l’Europe et (accessoirement ?) des Affaires étrangères, avait à peine quitté N’Djamena pour se rendre au Soudan qu’Abderaman Koulamallah, l'homologue tchadien dudit Barrot, signait un communiqué de presse pour informer « l’opinion nationale et internationale » de la décision de son gouvernement « de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française, révisé en date du 5 décembre 2019, visant à renforcer la coopération en matière de sécurité et de défense entre les deux nations ».

Un camouflet pour Jean-Noël Barrot

On tordra la chose comme on voudra, c’est un terrible camouflet pour Jean-Noël Barrot, pour son patron Emmanuel Macron et pour la politique que ce dernier mène en Afrique depuis huit ans. L’annonce de cette dénonciation unilatérale et souveraine aurait été faite en présence de Barrot, enrobée des circonlocutions diplomatiques d’usage, histoire de sauver la face, cela aurait été très différent. Même pas. La République du Tchad n’a pas eu ces égards envers le VRP de Macron. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le compte X du ministre est silencieux sur cette « décision historique », pour reprendre les termes du communiqué. Le dernier message de Barrot concernant le Tchad date du 27 novembre : « Aujourd’hui, je me rends au Tchad, à la frontière soudanaise, en Éthiopie et au Sénégal. » Merci, on est content. Avant de quitter N’Djamena, Barrot avait bien participé à un point-presse avec son homologue tchadien, lequel avait prié la France de « considérer désormais que le Tchad a grandi, a mûri ». Comme un clin d’œil à la célèbre réplique d’OSS 117, « il s’agirait de grandir » ? Et ce même ministre tchadien d’ajouter, toujours durant cette conférence de presse : « Le Tchad est un État souverain et très jaloux de sa souveraineté », sans en dire plus. Sans dire, notamment, que cela sous-entendait la rupture des accords de coopération. C’est donc bien – on le répète - un camouflet pour le ministre des Affaires étrangères français.

La fin d'une longue histoire ?

« Tournant historique », en effet, car, « après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales », comme le clame ce communiqué. Tournant historique, car l’accord de défense de 2019 révisait un accord signé le 6 mars 1976, lui-même remplaçant un accord datant de 1960. Autrement dit, c'est la fin d'une longue histoire. À l'époque, Jacques Chirac, Premier ministre, s’était lui-même rendu à N’Djamena pour sceller une réconciliation après une période de brouille et signer cet accord au nom de la France. Un communiqué commun avait alors évoqué un « climat d'amitié et de franchise »... Presque un demi-siècle plus tard, pas de communiqué commun. Quant au climat…

Tournant historique, aussi, pour notre armée. Depuis les premières colonnes parties d’Alger et du Niger au début du XXe siècle pour s'emparer de la région et la pacifier, en passant par Leclerc, nommé commandant militaire du Tchad par de Gaulle le 17 novembre 1940, qui foncera ensuite sur Koufra en Libye, jusqu’aux nombreuses opérations qui jalonnèrent notre Histoire militaire africaine depuis soixante ans (Limousin, Bison, Tacaud, Manta, Épervier, Barkhane), ce sont des dizaines de milliers de soldats français qui ont sillonné ce pays au gré des vicissitudes régionales. Tournant historique, enfin, au plan stratégique, sans doute, pour ce pays clé, situé entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne. Que comprendre, en effet, de cette redéfinition des « partenariats stratégiques » tchadiens « selon les priorités nationales » ? Est-ce à dire que le Tchad de Mahamat Idriss Déby Itno, fils d'Idriss Déby, ami de toujours de la France, va se tourner vers d’autres partenaires ?

Après le Mali, le Niger, le Burkina Faso, c’est donc du Tchad que la France est priée de partir. Et comme les mauvaises nouvelles volent en escadrille, le Sénégal, à son tour, annonce, toujours au nom de sa souveraineté, que la France va devoir retirer sa présence militaire. Bassirou Diomaye Faye, son nouveau président, a, certes, salué le « grand pas » fait par Emmanuel Macron qui vient de reconnaître, dans un énième acte de repentance, un « massacre » commis par les troupes coloniales, le 1er décembre 1944, à Dakar. Mais visiblement, la repentance ne paye pas vraiment.

« Combien c'est généreux, la France ! »

Maintenant, on imagine que cette aspiration bien légitime à la souveraineté du Tchad, comme du Sénégal, va s’accompagner en toute cohérence du rejet des aides que la France apporte économiquement à ces pays. Ainsi, pour le Tchad, le site de France Diplomatie nous apprend qu’en 2022, notre pays était le deuxième bailleur bilatéral du Tchad, derrière l’Union européenne, que sur la période 2013-2023, les engagements de l’Agence française de développement (AFD) ont représenté 748 millions d’euros, que l’appui de la France se traduit aussi par des soutiens budgétaires annuels (entre 15 et 20 millions d’euros par an). Par ailleurs, des prêts de soutien budgétaire ont été octroyés, entre 2017 et 2019, pour un total de 100 millions d’euros. Quant au Sénégal, l’AFD y a engagé 2,2 milliards depuis 2012.

« Combien c’est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux, la France ! », s’exclamait le général de Gaulle. Une France qui, aujourd’hui, emprunte de l’argent pour en prêter, comme le soulignait, la semaine dernière, ici même, Guillaume Bigot, au sujet de cette fameuse aide au développement…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

90 commentaires

  1. Quels progrès a fait l’Afrique, depuis que nous n’y sommes plus ? La France y assumait la paix sans tenir compte des ethnies concurrentes. Elle est en ce moment en train de céder ce rôle à l’Islam unificateur le moins respectueux de celles-ci. Il faut reconnaître ce divorce et vider nos banlieues (oh ! 9-3 !) des bras ballants si utiles à l’Afrique de demain .

  2. M. Barrot est le fusible. Lui ou un autre… C’est « notre » diplomatie ( ou ce qu’il en reste ) qui est souffrante semble t-il. Ces pays veulent être libres ; pas de problème ( il faut s’en donner les moyens, à court et à long terme ) mais combien la France donne t-elle régulièrement en soutient ? On aimerait bien le savoir…

  3. Tous ces pays veulent etre libres. Daccord, la France a donne de l’argent mais c´est rien a cote de ce qu’elle leur a vole. Il ne sont pas fous, meme en pagnes ils savent lire, écrire , compter, ils ont bien compris que le pillage avait assez dure. Macron lui, sort du Tchad mais rentre blasphémer dans Notre-Dame.

  4. Oui!rapatrions nos troupes..nous en avons besoin au pays…si le Tchad comme plusieurs pays africains préfèrent l’islamisme et la charia..autant kes laisser dans leur bain..par contre tous les pays qui ne veulent plus de nous..plus de ressortissants chez nous ni aides au développement.. fini..terminé et remigration sur le modele algérien de 1962..la valise ou….

  5. Avant de vouloir apprendre aux autres à vivre, il faut en premier lieu déjà faire le ménage dans son propre pays. Qu’on nous vire de l’Afrique est une chose que l’on peut comprendre de la part des africains. Qu’on prenne donc nos clics et nos clacs et retour au pays où il y a du boulot et terminé l’argent jeté par les fenêtres pour engraisser certains….

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