La fantomatique attractivité de la France saluée dans les médias

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Depuis plusieurs jours, sur tous les médias, les chroniqueurs économiques y vont de leur cocorico, sourire de circonstance aux lèvres : le cabinet Ernst & Young a placé la France en tête des pays les plus attractifs d'Europe pour les investisseurs étrangers. Et ce, pour la deuxième année consécutive. Une performance saluée, entre autres, comme le résultat des mesures gouvernementales : loi PACTE, suppression de l'ISF, baisse du taux de l'impôt sur les sociétés et autres... Allez, France, bravo Emmanuel Macron ! Tel est le leitmotiv qui ressort des analyses.

Si les journalistes avaient regardé de plus près le rapport, ils verraient déjà qu'il n'y a pas vraiment de quoi se réjouir : la baisse du nombre de projets en 2020, normale en période de crise internationale, se monte à 18 % en France, contre 12 % en Grande-Bretagne et 4 % en Allemagne. Le chiffre phare qui sert de « tête de gondole médiatique » à cette étude indique, en fait, un plongeon de la France. La baisse qui nous touche est bien plus prononcée qu'en Allemagne, et même qu'au Royaume-Uni, dont les mêmes commentateurs avaient annoncé la mort certaine il y a à peine quelques mois...

Si l'on regarde les secteurs d'activité de ces projets, les industries, automobile, mécanique, électronique et même aéronautique figurent au rang de parent pauvre, alors que les relocalisations sont érigées au rang de priorité du gouvernement. Les seuls secteurs encore porteurs sont évidemment la pharmacie et les plates-formes logistiques, indispensables pour accompagner la numérisation accélérée du commerce : si ce qui attire le plus, en France, c'est le e-commerce, pas sûr que cela profite vraiment à notre économie...

Les 985 projets d'investissement étrangers en France ont apporté, en 2020, environ 30.000 emplois : à ce rythme, il nous faudra 300 ans pour résorber le chômage. Normal, l'étude indique que la France est de tous le pays celui dont les projets sont les moins porteurs d'emplois, 34 emplois créés par projet chez nous, contre 134 en Espagne et 62 au Royaume-Uni... Avec le coût du travail qui est le nôtre, les salaires lestés par des charges sociales démentielles et le droit du travail courtelinesque, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement : les vrais projets industriels, porteurs de vrais emplois de main-d'œuvre qualifiée, s'implantent sous des cieux plus cléments.

Et d'ailleurs, on ne voit pas de quels atouts notre pays dispose pour attirer massivement les investisseurs : réglementations et contraintes écrasantes et coûteuses, impôts de production prohibitifs, nettement plus élevés que tous nos concurrents, climat social délétère, et on ne parle même pas de l'image dégradée en termes de sécurité et de qualité de vie. On ne voit pas comment relocaliser dans ces conditions, excepté les secteurs d'excellence qu'il nous reste : pharmacie, aéronautique, luxe. Pour les investisseurs étrangers, la France est encore un pays intéressant pour ses brevets, mais il arrive bien souvent qu'un rachat ne profite pas, à terme, à l'entreprise cible, les chaînes de production étant délocalisées quelque temps après.

Et puis, la France est un marché de consommateurs de près de 70 millions de personnes, marché soutenu par les aides sociales massives, qu'il faut capter entre autres en investissant dans les secteurs de la distribution ou des plates-formes d'import-export. Voilà ce qui attire encore les investisseurs étrangers dans l'Hexagone.

On est loin des objectifs de relocalisation affichés, et la situation, loin de s'améliorer, se dégrade. Mais pour le comprendre, il aurait fallu que nos « économistes » de plateaux télé lisent tout cela en détail et ne cherchent pas, avant tout, à faire la propagande du gouvernement...

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Olivier Piacentini
Ecrivain, politologue

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