La Cour des comptes constate l’échec de l’éducation prioritaire 

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur l'éducation prioritaire. Il s'agissait d'étudier si les mesures visant « à donner plus à ceux qui ont moins » sont efficaces et permettent de réduire les inégalités de réussite des élèves selon l’origine sociale des familles. Selon ce rapport, cette politique de « discrimination positive » n'a pas produit d'effets significatifs sur les résultats scolaires des élèves concernés. La Cour fait donc des propositions, mais sa vision de la situation reste partielle.

La Cour confirme qu'il faut mettre l'accent sur le primaire et insiste sur le succès des classes à 12 élèves en CP et CE1. Cette mesure phare est sans cesse citée par les autorités publiques, qui oublient de préciser que le ministre, à budget quasi constant, ne peut que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Elle préconise aussi de réintroduire des évaluations obligatoires, supprimées en 2013. Elle déplore, enfin, que l'on affecte dans les établissements REP des professeurs débutants.

Parmi ses autres propositions, limiter le dédoublement des CP et CE1 aux écoles où il y a le plus d'élèves en difficulté et l'étendre à la grande section de maternelle et au CE2 ; améliorer la scolarisation, dès deux ans, dans les quartiers défavorisés ; donner plus d'autonomie aux chefs d'établissement, en leur permettant des recrutements de professeurs sur profil ; favoriser la mixité scolaire en renouvelant les mécanismes d’affectation des élèves... Des mesures techniques qui, prises une à une, peuvent trouver leur justification, mais qui pourraient, à terme, avoir des conséquences sur l'ensemble du système éducatif, les établissements d'éducation prioritaire étant un terrain propice aux expérimentations.

Ainsi, l'élargissement du recrutement sur des postes à profil – qui s'effectue déjà, au niveau national ou académique, pour des affectations spécifiques – conduit à une plus grande autonomie des établissements : si elle a ses avantages, en stimulant l'émulation, elle risque aussi d'accentuer les disparités.

D'autre part, l'autonomie supposerait que les parents choisissent l'école de leurs enfants et que la carte scolaire fût assouplie. On ne peut pas à la fois donner plus de libertés aux établissements et plus de contraintes aux familles. Or, la Cour des comptes souhaite, pour développer la mixité scolaire, qu'on revoie l'affectation des élèves, ce qui porterait une atteinte supplémentaire à la liberté des parents. D'autant plus qu'elle suggère que les établissements privés, qui sont parfois un recours, même dans les milieux défavorisés, soient aussi concernés par la nouvelle carte scolaire.

Enfin, ce rapport ne s'interroge pas sur les raisons sociologiques et culturelles qui, dans certains quartiers, peuvent expliquer l'échec des établissements d'éducation prioritaire, malgré les moyens supplémentaires alloués. La violence, l'irrespect de l'instruction, les problèmes qui se posent dès l'école primaire et se prolongent au collège sont aussi le reflet de la société. Rien ne sera fait tant qu'on ne donnera pas à tous les élèves qui veulent s'instruire la possibilité de travailler dans la sérénité sans être traités de « bouffons » ni harcelés.

Et que dire des oppositions à un enseignement jugé non conforme au Coran ? Cette réalité, la Cour des comptes ne l'évoque guère, comme si le sujet était tabou : c'est pourtant une donnée non négligeable du problème. Le communautarisme et le refus de l'intégration ne sont pas étrangers à l'échec des établissements d'éducation prioritaire. Le défi posé à la nation est de défendre l'autorité du savoir auprès de tous les récalcitrants, sans rien céder à l'exigence. Nos dirigeants veulent-ils le relever ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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