Jacques Bichot : « Il faut vraiment clarifier les relations entre l’État et la Sécurité sociale »

Jacques Bichot

Jacques Bichot fait le point sur les déficits publics et le budget de la Sécurité sociale et aborde sans tabous les questions de l'hôpital et des urgences.

Les députés ont entamé, hier, l’examen du projet de loi de finances 2020 sur la Sécurité sociale. On y retrouve quelques bonnes nouvelles, comme l’indexation des retraites sur l’inflation. Cependant, le retour à l’équilibre promis pour 2019 est repoussé à 2023, avec un déficit de 5,1 milliards d’euros l’an prochain. Comment peut-on expliquer cela ?

Le budget de la Sécurité sociale est, en réalité, une fiction. Il y a un budget global de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités départementales. Entre ces trois catégories d’acteurs, il y a un système de vases communicants. Le déficit apparaît là où on a envie qu’il apparaisse. Au gré des négociations et des transactions, il apparaît d’un côté ou de l’autre.
Il n’y a pas vraiment de raison économique au déficit de la Sécurité sociale en lui-même tel qu’on le fait apparaître légalement.
La réalité légale et la réalité économique ne coïncident pas, car il y a une quantité de dépenses de la Sécurité sociale qui sont prises en charge par l’État. Selon qu’elles diminuent ou qu’elles augmentent, les déficits apparaissent d’un côté ou de l’autre. Le même petit jeu se joue entre les différentes branches de la Sécurité sociale.

De tout bord politique, les reproches fusent à propos des hôpitaux. La progression des dépenses de santé resterait limitée à 2,3 % alors qu’elles sont normalement de l’ordre de 4,5 %. Qu’en pensez-vous ?

La question des urgences est récurrente. Elle dure depuis des années. Personne ne s’en saisit de manière habile. Il faudrait, évidemment, faire en sorte que les urgences arrêtent d’être le déversoir automatique de toute personne qui a un problème et qui n’arrive pas à décrocher le numéro de téléphone d’un médecin dans le quart d’heure qui suit. Malheureusement, on n’a pas l’impression que ce problème grave soit pris à bras-le-corps.
Au niveau du fonctionnement des hôpitaux, on a malheureusement l’enlisement dans un système bureaucratique avec des corps jaloux de leurs différentes compétences. La gestion hospitalière est trop onéreuse par rapport aux résultats. Je donnerai simplement un exemple concret. Pendant des années, nous avons eu une politique de réduction du nombre de lits. On a utilisé une partie du potentiel productif de soins avec cette politique du nombre de lits, comme si, en réduisant le nombre de lits, on allait réduire le montant des dépenses. Ce n’est pas vrai. C’est une idée enfantine ! Les gens vont être soignés de toute manière. S’ils ne sont pas soignés sous forme d’une hospitalisation, on va les ramener chez eux puis les reprendre à l’hôpital, et ainsi de suite.
D’ailleurs, un des points de dépense de la Sécurité sociale qui augmente le plus est celui des transports. Il faut des ambulances ou des taxis pour les emmener à l’hôpital d’où ils vont et viennent plutôt que de les laisser à l’hôpital d’où ils sortiraient guéris de leur maladie probablement plus vite en y étant traités complètement.
La sélection et le tri qui donnent les meilleurs résultats ne s’effectuent pas. La politique de numerus clausus qui a été mise en place, il y a à peu près une vingtaine d’années pour les promotions de médecins, est également un problème important. En revanche, on ne peut pas accuser directement les pouvoirs publics actuels pour ce point. La France manque de médecins. Certains hôpitaux français fonctionnent grâce à l’aide de médecins venus de pays du tiers-monde. En général, ils ne sont pas trop mécontents d’être là, puisqu’ils sont mieux payés que chez eux. Mais pendant ce temps-là, des gens manquent cruellement de médecins dans le tiers-monde. Tout cela parce que l’État a eu l’idée stupide qu’en produisant moins de médecins, on aurait moins de dépenses de santé. Quand on veut un système productif, qui marche correctement, on ne limite pas le nombre de producteurs, on essaye au contraire de mettre en place un appareil productif le meilleur possible et de faire jouer la concurrence entre les établissements pour que les prix ne s’envolent pas ; on n’a fait ni l’un ni l’autre.
Je pense que le plus urgent, en l’état actuel, serait de clarifier les choses entre l’État et la Sécurité sociale. Le flou actuel n’est bon ni pour l’État, ni pour la Sécurité sociale, ni pour les Français.

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