À Rome, le sort des peuples d’Europe est en jeu

À Rome, rien de nouveau. Pourtant, la partie qui s’y déroule est d’une grande violence, chaque mot compte, et ils sont nombreux ! Chacun cherche à faire plier l’autre, les alliances putatives se font et éclatent au gré des déclarations incendiaires ou charmeuses, des supputations de trahisons, de ralliement. Machiavel rôde au Quirinal. Enjeu de pouvoir, prestige personnel se mêlent aux calculs pour les nouvelles élections, inévitables ; peser pour les retarder ou les avancer. Les sondages se succèdent, obligeant les stratégies, déjà complexes, à s’adapter. À Rome, rien de nouveau. Pourtant, notre sort, celui des peuples de l’Europe, est en jeu : que la Lega l’emporte ou qu’un accord finisse par se faire avec le Movimento 5 Stelle et l’Union européenne vacillerait, le monde pourrait basculer.

Le 4 mars avait révélé le revirement du peuple italien, abandonnant son tropisme bruxellois et rejetant les « grands » partis de gouvernement. Depuis, les enquêtes d’opinion vont toutes dans le même sens : le mouvement s’est amplifié. Le Parti démocrate continue de s’effriter, ses alliés fédéralistes disparaissent, il est aujourd’hui scindé en trois camps : ceux qui recherchent un accord avec M5S, ceux qui prônent une traversée du désert et, enfin, Renzi en tête, les européistes forcenés, qui s’accrochent à l’idée initiale d’un gouvernement avec Forza Italia de Berlusconi ; un conglomérat pro-Union européenne, libéral-atlantiste, proche idéologiquement d'Emmanuel Macron.

À Forza Italia, parti de notables locaux assez bien implantés, on attend avec impatience et crainte la disparition de Silvio Berlusconi, lequel ne cache pas son plaisir de sa revanche contre Renzi et Bruxelles. Mais cette victoire personnelle cache une défaite que le roublard Matteo Salvini cherche à rendre irréversible : la Lega populiste a supplanté le centre droit petit-bourgeois.

Élections locales, sondages, études prospectives : depuis deux mois, tout confirme la permanence du choix des Italiens ; avec une particularité, puisque leur désirs divergent de leurs pronostics.

Aujourd’hui, la Lega s’approche de 24 % (+6,3) et Forza Italia est sous les 10 % (-4,1), les autres partis très à droite de la coalition baissent faiblement (-1,3), ce qui marque un transfert mais aussi une croissance de la Lega toujours radicale contre l’Union européenne et l’euro.

Un autre radicalisme progresse, dans une moindre mesure, celui du Movimento 5 Stelle (+1,6). Une lutte sourde s’y déroule entre tenants du réalisme pragmatique et d’un accord avec la Lega, mais rejetant toute participation de Berlusconi, contre les purs et durs persuadés d’un basculement quasi révolutionnaire du peuple italien, et enfin les mous désirant un rapprochement avec l’aile gauche du Parti démocrate.

Lundi, le président de la République, Sergio Mattarella, consultera une nouvelle fois tous les partis politiques. "Deux mois après les élections, les positions de départ des partis sont demeurées inchangées. Il n’émerge aucune possibilité de majorité de gouvernement", a-t-il déclaré en mode d’avertissement : soit vous trouvez une issue, soit je convoque de nouvelles élections ; le « quand » deviendra alors la question cruciale.

Juin, préféré par M5S, septembre choix de la Lega, ou l’an prochain, espérance des européistes, ces élections, désormais attendues par une majorité d’Italiens, pourraient, selon leur date, voir le camp des euro-critiques encore croître, à 60 %, mais sans perspective gouvernementale à cause de l’immaturité intrinsèque du Movimento 5 Stelle ; à moins que Beppe Grillo n’y reprenne la main pour la tendre à Matteo Salvini.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:36.
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Gérard Couvert
Informaticien

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