Le docteur Michel Cymès a quitté Twitter, cet hybride entre le réseau social et le blog. Il ne supportait pas la haine et l’agressivité. Pourtant, l’abolition des distances entre lui et son audience lui procurait des occasions d’échanges sans intermédiaires.

Réseau social ? Quelle désignation hypocrite, qui impliquerait une mise en relation favorisant l’échange et, par conséquent, une vie en société dont nous pourrions penser qu’elle tendrait vers plus d’harmonie. Ne nous y trompons pas, Facebook et Twitter sont aussi des champs de bataille où se mènent des guerres fratricides sans merci. Ce sont parfois des lices propres où des adversaires respectueux d’une éthique du débat tentent sincèrement de convaincre l’autre avec des arguments. Et d’autres fois, bien plus souvent, des boucheries où des protagonistes s’étripent à coup de publications insanes, se permettent tous les coups, même les plus sales. Ce phénomène ne se borne d’ailleurs pas aux réseaux sociaux, tous les médias de l’Internet qui offrent cette interactivité sont touchés.

L’anonymat relatif que procurent un avatar et un pseudonyme libère de toutes les inhibitions et des torrents de boue déferlent alors. Le « troll » pollue la Toile de ses publications violentes, injurieuses, mensongères, diffamatoires, menaçantes, etc. Il se croit protégé, et sans doute l’est-il trop souvent. Peu ou pas de suites judiciaires sont données à des propos incriminables et, passé un certain seuil, le blocage est plus simple que le recours à une procédure coûteuse et aléatoire. Ainsi, l’avocat « star » de Twitter, Maître Eolas, dont les outrances sont répétées, n’a écopé jusqu’à présent que d’une seule condamnation judiciaire pour injure.

La meute se déchaîne vite contre l’opinion dissidente sur ces réseaux sociaux. Nul doute que si Galilée avait voulu diffuser sur Twitter ou Facebook l’idée révolutionnaire de l’héliocentrisme copernicien, il y aurait vite trouvé une foultitude de juges plus expéditifs et moins compréhensifs que ceux du Saint-Office et de l’Inquisition. Le troll chasse en meute et invente sans vergogne les attendus qui lui font défaut lors des procès d’intention qu’il intente. Il nous manque un René Girard de l’Internet pour analyser cette polarisation de la haine de tous sur un bouc émissaire pas si virtuel que ça : derrière chaque pseudo, il y a une personne.

Pourquoi tant de haine ? Le rasoir de Hanlon (ne pas attribuer à la malice ce que la bêtise suffit à expliquer) ne prévaut pas toujours sur l’Internet. L’internaute est prompt à faire un paquet-cadeau à celui d’en face avec bêtise et malice dedans : c’est le triomphe du bête et méchant.

Le travers est humain : trop souvent, nous n’écoutons pas pour comprendre, mais pour répondre. Il nous manque la bienveillance et le discernement. Du discernement pour parfois identifier l’erreur de l’autre et tenter d’y proposer un remède tiré de la raison, ou alors comprendre la sienne propre. De la bienveillance pour se rappeler que l’altérité nous enrichit. Ce n’est pas un truc mièvre, c’est la condition sine qua non pour que l’Internet et sa formidable capacité de mise en relation des personnes ne deviennent pas irrespirables. La Conférence des Évêques de France a, l’an dernier, su trouver le bon angle (l’humour) dans cette géniale vidéo de promotion de l’eMiséricorde. Pacifions nos cœurs.

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17 avril 2017 à 21:28

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