Dans le cadre de la loi « confortant les principes républicains », Aurore Bergé, députée LREM, vient de déposer, avec son collègue Jean-Baptiste Moreau, un double amendement visant, selon Le Parisien, à interdire « le port de tout signe religieux ostensible par les mineurs dans l'espace public » et « le port de tout habit ou vêtement qui signifierait pour les mineurs l'infériorisation de la femme sur l'homme ». À travers ces formules générales, il s'agit, pour l'élue des Yvelines, d'interdire le port du voile pour les filles mineures : « Il ne doit pas y avoir de tabou » sur cette question, proclame-t-elle. De son côté, Jean-Baptiste Moreau précise que « cela s’appliquerait aux kippas, à des croix très visibles, il n’y a pas de raison de faire de distinction ».

Ne croyez pas qu'Aurore Bergé, déçue de ne pas avoir obtenu de portefeuille ministériel ou la présidence du groupe LREM, veuille seulement montrer qu'elle existe. Non ! Elle défend des principes sur lesquels elle ne saurait transiger ! « C’est insupportable de voir une fille de 5 ans porter un voile, et ce projet de loi nous permet de légiférer », explique-t-elle dans les colonnes du Parisien. « Alors pourquoi n’irions-nous pas au bout de nos convictions ? C’est notre rôle de législateur de protéger les plus vulnérables. »

Sur le fond, elle n'a pas tort, mais son initiative agace profondément Emmanuel Macron et son Premier ministre. Jean Castex a exprimé ses réserves dans Le Monde, assurant que « le sujet ne fait pas partie de notre agenda car nous ne confondons pas l’expression de la foi religieuse et les atteintes aux valeurs de la République ». Ah ! Qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! Il aurait même demandé à Jean-Michel Blanquer, qui jugeait récemment que le voile n’est « pas souhaitable », de ne pas soutenir les défenseurs de cet amendement. Quant à Macron, il a, dès le début, prononcé cette mise en garde : « Le danger, c'est de détourner le débat sur cette question qui n'a pas lieu d'être aujourd'hui. »

Le Parisien rapporte que Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et Christophe Castaner, lors d'une réunion à Matignon, auraient fermement pris le parti de l'exécutif. « Le voile n'est qu'un élément de pollution médiatique et politique du texte », aurait affirmé l'un d'eux. « Il ne faudrait pas que le projet de loi sur les séparatismes devienne un projet de loi sur le voile dans l'opinion. On va hystériser tout le monde. Puis la droite et l'extrême droite vont s'engouffrer dedans. » Quelle horrible perspective, n'est-ce pas ? Mais l'enfant terrible de la majorité reste déterminée, au risque de provoquer une guerre intestine.

Cette querelle laisse, pour le moins, planer le doute sur la détermination du gouvernement à combattre le séparatisme islamiste. Quoi qu'en disent les ténors de la Macronie, quelles que soient les intentions réelles d'Aurore Bergé, faire porter le voile à des fillettes exprime bien la volonté de marquer sa différence, de conserver sa culture et, finalement, le refus de s'assimiler. Il est probable que les députés de la majorité, lors de la discussion à l'Assemblée, resserreront les rangs ou souligneront, comme Jean-Baptiste Moreau, qu'un tel amendement concerne tous les signes religieux. Verra-t-on un Aurélien Taché comparer de nouveau le voile à un serre-tête ?

Décidément, alors que l'exécutif est déjà empêtré dans sa gestion de la vaccination, ce nouvel épisode vient illustrer les contradictions et les tergiversations d'une majorité inquiète de son avenir. Ça sent de plus en plus le roussi et des rats s'apprêtent à quitter le navire.

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16 janvier 2021 à 16:00

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