Insécurité : quand les Français se font justice eux-mêmes

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Effroyable crime. Voilà les mots qui nous viennent à l’esprit en apprenant la mort de Rayane, jeune dentiste de 25 ans qui venait de démarrer sa carrière. C’était dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 mai, dans la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis). Un jeune homme se promène dans la rue lorsqu’il est encerclé par une dizaine d’individus camouflés, munis de casque et de gants. L’un des jeunes camouflés assène un coup de couteau. Le jeune dentiste n’a pas survécu à son hémorragie.

Ce meurtre relève-t-il d’un règlement de comptes entre quartiers ? Aucune preuve pour l’instant, simplement des suppositions de ses proches qui tentent de comprendre. Ils ont lancé un appel à témoins. Et pris les choses en mains.

Utiliser la violence pour obtenir des réponses

Certains des proches de la victime n’hésitent pas à intimider. Ainsi, dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 mai, vers 22 h, des policiers reçoivent une alerte : une vingtaine de jeunes armés tournent dans le secteur, en l'occurrence sur la commune du Pré-Saint-Gervais, prêts à user de la violence pour obtenir des réponses. Le même soir, trois jeunes hommes sont ainsi forcés, par un homme encagoulé et armé, à monter dans une voiture. Elle les conduit place Sévérine, aux Lilas, là où Rayane a été agressé à mort. Après les avoir fait descendre, le ravisseur les roue de coups pour obtenir des informations sur les agresseurs du défunt. Les trois otages finissent par s’échapper. L’un des trois a brièvement été pris en charge à l’hôpital. L’agresseur est toujours en fuite ; une enquête parallèle a été ouverte.

Ce conflit n'est malheureusement pas isolé et reflète une tendance, la tentation de se faire justice soi-même. Témoin ce père de famille qui avait frappé un mineur isolé, soupçonné d’avoir agressé sexuellement sa fille de 6 ans. Le père de la fillette avait finalement été condamné à huit mois de prison. Le procureur de la République avait déclaré « comprendre l'émotion et la colère de ce papa », mais il avait rappelé que, « en France, on ne se fait pas justice soi-même ».

Un tel phénomène d'autodéfense, dans un État de droit, manifeste au grand jour la défiance des Français vis-à-vis de la justice. Dans un sondage réalisé par l’institut Cluster17 pour Le Point en novembre 2022, 79 % des sondés jugeaient insatisfaisante l’action de l’institution judiciaire.

La justice n’effectue plus son travail

Le député européen LR François Xavier Bellamy avait tenté d’éclaircir ce phénomène sur Europe 1, en octobre dernier. La tentation de se faire justice soi-même est, selon lui, « très dangereuse », même si le philosophe-homme politique admet que « l’ordre public n’est plus garanti ». « Les gens se sentent dans une insécurité structurelle constante, expliquait François-Xavier Bellamy, ils commencent à s'organiser pour pouvoir se protéger eux-mêmes. [...] Parce que la justice ne fait plus son travail, ils commencent à s'organiser pour se faire justice à eux-mêmes. » Et de poursuivre : « Dans notre pays, dans les dix dernières années, le nombre de tentatives d'homicide a triplé. »

Et il rappelle que l’autodéfense existe déjà : « Si les chiffres n'explosent pas plus, c'est parce que beaucoup de personnes dans notre pays prennent des mesures pour se protéger, poursuit Bellamy. Je pense aux plus vulnérables, je pense aux personnes âgées, je pense aux femmes, je pense aux jeunes filles. » C’est en partie le besoin de défense des individus eux-mêmes face à la montée de l’insécurité qui conduit à l’auto-justice. Sans réaction forte du pouvoir, il faut donc malheureusement s’attendre à une multiplication des cas d’auto-justice au cours des prochaines années.

Félix Perrollaz
Félix Perrollaz
Licence de Science politique à l'Université de Lille, étudiant en journalisme, journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

30 commentaires

  1. La vengeance dans l’ouest Américain et la vendetta Corse sont nés d’une absence ou d’une démission de la justice d’Etat. L’autodéfense est la réaction d’un peuple sain qui lutte pour sa survie. On s’en fout de la philosophie quand on risque sa peau. On ne veut pas de leçon.

    • Vous avez totalement raison! L’idéologie des juges entraine l’injustice pour les honnêtes gens et un boulevard de permissivité et d’excuses pour nos assassins! On a pas à accepter de risquer sa peau pour plaire à une idéologie de gens bien protégés qui ne pensent que dans l’intérêt du malfrat, jamais de la victime! Si la justice était plus répressive, il y aurait moins de crimes et délits!

  2. Les hommes s’adaptent à leur environnement. Cela fait déjà un moment que la sécurité est passé d’une préoccupation publique à un impératif personnel.
    La police n’étant plus autorisée à protéger, mais simplement affectée à la présentation des criminels devant les tribunaux, après le crime, donc.
    Car le crime, ça n’est pas seulement un business de criminels, ça rapporte énormément à ceux qui vivent de la « justice ».
    Et justement, pour boire le nectar jusqu’à la lie, quoi de mieux que la récidive?
    On peut ainsi avoir une clientèle régulière!
    Donc, quand l’institution judiciaire a des intérêts opposés à ceux qu’elle est sensé défendre et qui l’a financent, il ne faut pas s’étonner que les gens s’en détournent.
    Quand l’agresseur de votre enfant sort fièrement libre d’un tribunal avec une tape sur les doigts alors que votre progéniture subit un long traumatisme, malgré tous les verbiages, les excuses et les tartufferies techniques, vous ressentez une profonde injustice et le sentiment de devoir vous occuper de l’affaire personnellement.
    Ce ne sont pas ces gens qui ont changé, ce sentiment existe depuis la nuit des temps.
    C’est simplement l’administration qui ne fait plus son travail.

  3. Chez moi des cambrioleurs ont casé mon portail, sans doute que mes chiens dormaient, mais ils se sont réveillés 4 bergers allemands dressés au sport canin, ils ne se sont pas attardés, mais mes chiens étaient après sur la rue un peu énervés d’après les gendarmes, les pompiers n’étaient pas concernés et les gendarmes voulaient appeler le peloton cynophile, quelqu’un est passé à appeler les chiens qu’il ne connaissait pas les a fait rentrer et à mis une ficelle au portail, je n’ai pas eu de contravention car les gendarmes ont constaté que le portail avait été forcé.

  4. Bien sûr que les Français vont se défendre !! Contre les voyous, les voleurs, les violeurs et autres agresseurs; mais aussi contre la Justice ( l’ Injustice devrais-je dire ! ), qui aujourd’hui protège plus l’ agresseur que la victime !
    Alors, on est en droit de se demander: à quand l’instauration de la Terreur ( souhaitée semble-t-il par Mélanchon et LFI )

  5. Les gens qui se font justice eux-mêmes ne devraient pas être jugés. Ce sont ceux qui ont laissé monter la violence sans la combattre, par laxisme, lâcheté, veulerie, électoralisme, incompétence, qui devraient passer devant les tribunaux

    • Vous avez raison, ce sont ceux qui ne remplissent pas leur fonction qui devraient devraient être jugés sinon, ça sera la justice divine qui s’en chargera.

  6. Comme la Corse a été citée, reconnaissons que cela n’y serait jamais arrivé. Le cas échant, le traitement approprié aurait été appliqué.

    Expédié plutôt.

    Comme c’est la seule méthode que cette engeance comprenne, il faut l’aider à comprendre. La nature ayant horreur du vide, de bonnes volontés déterminées pourraient émerger et amplifier la tendance pour se substituer à un pouvoir démissionnaire et une justice défaillante.

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