Il faudra demander des comptes : il est hors de question que le pouvoir se défausse !

urgences

Il y a un consensus total sur le fait qu'il faudra faire les comptes. À cause de toutes les maladresses, imprudences, pénuries, imprévoyances, misères et surcharges politiques, économiques et sociales, de l'état angoissant de l'univers hospitalier et des tragiques carences que la montée du fléau révèle, du délitement des services publics.

En n'oubliant pas les méfaits de la mondialisation et l'exigence de la souveraineté.

La formidable énergie, l'incroyable dévouement de professionnels, dans la santé comme ailleurs - je songe aux policiers et aux gendarmes occupés à verbaliser parce que des irresponsables, à l'île de Ré ou ailleurs, ne veulent rien comprendre ni respecter -, constituent un arbre qui cache la forêt.

Tout le monde s'accorde : il faudra faire les comptes.

La seule controverse porte sur le moment.

Certains, par exemple la talentueuse Élisabeth Lévy, considèrent que même en pleine crise du coronavirus, on a le droit de questionner, de critiquer, voire de dénoncer, qu'on n'est pas tenu, par une sorte de décence, à la moindre obligation de réserve. Qu'on n'a pas à se priver de citoyennes récriminations, quitte à affaiblir un mouvement qui doit être tout entier concentré sur le combat capital à mener.

D'autres, dont je suis, estiment au contraire qu'il est plus sage d'attendre la fin de ce qui menace et tue beaucoup trop pour qu'on se laisse détourner aujourd'hui par des révoltes périphériques. Mais demain, il faudra faire les comptes, à tous points de vue et pour tous.

Nous sommes confrontés à une tragédie sanitaire inouïe mais conjoncturelle qui impose que l'ensemble des énergies soient bandées dans le même sens. Obéissance des citoyens et respect de ceux qui nous conseillent et nous sauvent.

Quand le fléau sera éradiqué, le temps sera venu des responsabilités à établir. En effet, tout ce qu'on déplore aujourd'hui permet de vérifier rétrospectivement la validité des revendications d'hier, notamment de la part du personnel soignant. On ne peut plus douter qu'il avait raison quand il mettait en cause l'absence de politique d'Agnès Buzyn et prévenait de la difficulté de gérer le quotidien et, bien davantage, des catastrophes qui se réaliseraient face à un pire inopiné.

Tout a été dit avant de ce qui est décrié à juste titre après. En amont, le désastre était déjà plus que virtuel. En aval, toutes les infrastructures et les services ont explosé.

Il faudra faire les comptes. Pas maintenant, au cœur de la tempête, mais la tranquillité revenue.

Alors, il sera hors de question que le pouvoir se défausse. La note sera à payer.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois