Hippocrate, réveille-toi !
Dans une récente chronique, Rémy Mahoudeaux révélait que la Cour européenne des droits de l’homme avait dénié le droit à l’objection de conscience à plus de cent maires français qui refusaient de marier des personnes du même sexe. L'argument était que ces maires n'agissaient pas en tant que personnes mais en tant que représentants de l’État.
Cette interprétation sera-t-elle étendue, un jour, aux personnes "chargées d'une mission de service public", comme les médecins hospitaliers ? Le récent dépôt par Laurence Rossignol sénatrice PS, à l'occasion de la Journée mondiale de l'accès à l'avortement, d'un projet de loi visant à supprimer la clause de conscience des médecins n'est pas une première. C'était déjà le souhait du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes en 2013, et celui du Défenseur des droits en 2015.
Si comme on peut le penser, la procréation médicalement assistée est légalement étendue aux couples de lesbiennes, ouvrant la voie – en vertu du principe d'égalité - à la grossesse pour autrui, il faudra bien des médecins pour les pratiquer, et autant que possible sans barguigner. Si le secteur privé a des chances de conserver longtemps une bonne marge de liberté, il n'en sera pas de même des médecins hospitaliers salariés.
Les bases de l'éthique médicale définies par Hippocrate dans son célèbre serment commenceraient-elles à vaciller ? En vérité, il y a un moment qu'elles tanguent selon les époques, et surtout selon les pays, tant les lois et les usages y diffèrent.
Au fur et à mesure que les pays légalisaient l'avortement, la formule du IVe siècle "Je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif" a connu des aménagements plus souples, jusqu'à disparaître au profit d'un "Je ne provoquerai jamais la mort délibérément" nettement plus ouvert à la dialectique, puisque cela suppose d'avoir préalablement décrété quand commence la vie…
Est-ce un effet du hasard ? Dans la dernière revue du Conseil national de l'ordre vient de paraître le serment médical de Genève, dit "mondial", puisque l'Union européenne n'arrive pas à se mettre d'accord sur une éthique commune. Ici, c'est le secret médical qui est élagué, puisqu'il s'agit seulement de taire les secrets "qui me seront confiés". Mais le reste ? Tout ce que l'on aura "vu, entendu, compris ou cru comprendre" à l'occasion d'un acte médical (et que le Code français actuel impose de taire), on pourrait donc le révéler ?
Il serait tentant de supprimer le secret (voire, pour certains, d'imposer la dénonciation !) au cas où le malade présenterait un danger pour lui-même ou pour autrui. Mais si la confiance entre le médecin et le patient est rompue, celui-ci risque de minimiser ses désordres par peur de se voir retirer certains droits, à commencer par la conduite automobile.
Mais c'est délibérément que beaucoup livrent déjà aux plates-formes de prises de rendez-vous, outre leur état civil, l'historique de leurs consultations, leurs fréquences et les spécialités auxquelles ils ont accédé. La loi Informatique et Libertés de 1978 suffit-elle vraiment à protéger ce big data qui intéresse beaucoup de monde ?
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