Mère de famille nombreuse et bien instruite, vous roulez tous les jours dans Paris pour aller chercher vos enfants à l'école. Vous emmenez avec vous – bien obligée - vos deux derniers, âgés respectivement de 2 ans et 3 mois. La distance à parcourir est de huit kilomètres et des poussières. En somme, pas grand-chose, à part que vous devez passer le périphérique et franchir pas moins de trente feux. Oui, vous avez bien lu : trente feux ! C'est déjà amusant de conduire dans Paris de nos jours, mais ça l'est encore plus avec le bébé qui pleure, l'autre qui a laissé tomber son gâteau et qui le réclame à cor et à cri. De plus, vous devez faire attention aux motos qui, à l'encontre du Code de la route, remontent les files de voitures et qui vous insultent si vous avez la malencontreuse idée de serrer un peu trop près la voiture d'à côté. Vous tentez de garder votre calme dans les bouchons dus à de nombreuses barrières de chantiers qui, visiblement, s'éternisent.

Vous pensez, alors, combien il serait bien plus simple de prendre le métro si seulement les structures avaient été prévues pour les fauteuils roulants et les mamans avec poussettes. Mais voilà, madame le maire de Paris a préféré dépenser l'argent du contribuable pour faire de somptueuses pistes cyclables et de royales voies de bus pour dix piétons et six bus par heure, engorgeant des rues, multipliant les embouteillages et déplaçant la pollution de l'air là où elle n'y était pas encore auparavant. Anne, si tu nous lis...

Vous arrivez enfin à l'école, dans une petite rue à sens unique. Vous priez le Ciel que tous vos enfants soient dans l'entrée, prêts à embarquer dans la voiture fissa. Oui, ils sont là ! Vous les prenez au vol pendant que, derrière vous, on s'excite et on klaxonne. Vous redémarrez aussi sec et non, vous ne vérifiez pas si tout le monde s'est attaché car vos enfants se jettent sur le pauvre paquet de biscuits du goûter. Vous pensez plus au temps qu'il va falloir pour rendre la voiture propre avec toutes les miettes des précédents goûters qui s'amoncellent aux pieds de votre progéniture.

Vous vous arrêtez à un feu où la circulation est engorgée - travaux obligent. Vous avez les yeux rivés sur le feu, prête à démarrer, quand un policier, en voiture banalisée, s'arrête à votre hauteur et vous fait de grands signes. Monsieur l'agent finit par sortir son gyrophare, furieux parce que vous ne le voyez pas. Ce sont les enfants qui vous avertissent et vous baissez votre vitre. Tel un bouledogue qui montre les crocs, le policier vous aboie dessus : « C'est normal que les enfants ne soient pas attachés ? Ça ne vous choque pas ! » Vous tentez un malheureux : « Excusez-moi mais... » Et lui de vous couper : « Non, je ne vous excuse pas ! » Aussitôt, les enfants obtempèrent pendant que vous piquez un fard tout en rongeant votre frein.

Car, oui, Messieurs les policiers, c'est tellement plus facile ! Facile d'aboyer et de lâcher vos nerfs sur une mère de famille dont les enfants ne sont pas attachés, sur un pauvre hère qui a dépassé de trois malheureux kilomètres la vitesse autorisée ou qui n'a pas marqué le stop suffisamment. Avec ces administrés, vous ne risquez pas un flot d'insultes dans le langage fleuri de certains quartiers ; vous ne risquez pas un lynchage en bonne et due forme après que toute la barre d'immeuble a été ameutée. Vous ne risquez pas, non plus, un cocktail Molotov dans votre voiture. Et comme il s'agit de sécurité routière, il faut être inflexible, car la loi est la loi. On aimerait la même ardeur et la même hargne pour l'appliquer, cette loi, contre des violeurs et des dealers ; or, cela ne dépend pas que de vous, évidemment, mais aussi des juges.

Alors, nous voulons, bien sûr, soutenir nos forces de l'ordre quand leurs conditions de travail se dégradent à vitesse grand V et empirent jour après jour. Mais, Messieurs les policiers, sachez que toute patience a ses limites. Nous ne sommes pas vos défouloirs !

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21 octobre 2018 à 11:35

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