[Grand format] Retailleau-Ciotti : tournant majeur ou guerre des petits chefs ?

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Il y a dix ans, l’élection du président des Républicains aurait passionné l’opinion et créé d'immenses remous. Il y a dix ans, le monde politique était agité par la guerre de succession post-Sarkozy. Les partisans de Jean-François Copé et François Fillon se déchiraient, pour le plus grand plaisir des commentateurs et la désolation de leur famille politique. En 2017, l’échec de François Fillon à l’élection présidentielle et la fuite d’une partie des troupes chez Emmanuel Macron a acté deux faits : non seulement LR s’éloignait du pouvoir, mais en plus, les Républicains se retrouvaient dans l’incapacité organique, doctrinale et pratique d’incarner une opposition unie.

Aujourd'hui, savoir, de Bruno Retailleau, Éric Ciotti ou Aurélien Pradié, à qui échoira la présidence de LR est devenu une information secondaire. Enfin, pas tant que cela.

Si la candidature de Valérie Pécresse en 2022 avait permis une sorte de trêve due à un instinct de survie, le parti de la droite et du centre, enterré par la victoire d’Emmanuel Macron, écrasé par l’arrivée massive du RN à l’Assemblée nationale, se retrouve (ironie du sort) dans un rôle peu enviable de portion congrue mais stratégique du palais Bourbon. Trop faibles pour peser, ils se retrouvent écartelés entre ceux qui lorgnent chez Macron et ceux qui veulent garder un positionnement d’opposition. Ceux qui veulent « renaître » et ceux qui cherchent un pacte de gouvernement. C’est d’ailleurs le calcul de Nicolas Sarkozy : miser sur Éric Ciotti pour négocier un pacte de gouvernement. L’ancien président de la République est formel : si Bruno Retailleau est élu, le parti achèvera son dépeçage entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Une façon de répondre à la volonté affichée de Retailleau de faire l’inventaire du sarkozisme. « Bruno est tout à fait dans le sillage de François Fillon », affirme Sébastien Le Rudelier, porte-parole de la campagne du président du groupe LR au Sénat. Mais le temps presse. Comme un signe des temps, le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a annoncé son départ des LR, officialisant une donnée politique importante : LR est définitivement chassé des grandes métropoles.

L’Assemblée : l’écueil qui pourrait perdre Éric Ciotti

« On a annoncé que le match était joué. Mais je pense qu’il n’a jamais été aussi serré. » Le jeune militant LR chargé de la Seine-Maritime - et soutien de Retailleau -, Grégoire Houdan, est formel : Éric Ciotti a fait une bourde. Pourtant, il était la pédale droite du tandem LR lors de l’élection présidentielle. Son équipe et lui-même passent pour l’équipe « dure » de cette élection. Mais cette image s’est, dernièrement, passablement écornée.

L’homme en qui les partisans de l’union des droites plaçaient leur espoir, Éric Ciotti, avait fait campagne en pariant sur l’homonymie des prénoms et des programmes. Faire du Zemmour sans en être. Faire du Le Pen en espérant l’écraser. Ce ne fut pas une réussite, mais il était parvenu à ne pas en porter la responsabilité. Député attendu dans l’Hémicycle, il fut élu au rang de questeur, un poste honorifique et stratégique, mais un poste de l’ombre. S’il est de coutume, lorsqu’on incarne l'extrême d’un parti, de se recentrer un minimum pour en prendre la tête, cela ne doit pas se faire au détriment de son identité politique. Ses concurrents l’ont bien acté.

Vu comme un parangon du centrisme, Aurélien Pradié a, lui, brutalement donné un coup de barre à droite en se prononçant contre le port du voile islamique dans les écoles. « Peut-être même dans l’espace public », a avancé le député du Lot. « C’était la stratégie Fillon des primaires 2016 et ça avait marché, mais en l’occurrence, le parallèle Fillon s’applique à Retailleau », s’amuse un fin connaisseur du parti LR.

Surtout, est advenue l’affaire Fournas. On ne reviendra pas sur les détails, mais face à la manipulation grossière, qui pouvait imaginer que des LR allaient prendre position en faveur du député de la NUPES ? « Je condamne avec fermeté les propos d’une extrême gravité tenus aujourd’hui par un député au sein de l’hémicycle de notre Assemblée. Scandaleux de la part d’un représentant de la République », tweete Éric Ciotti alors que la polémique enfle. De son coté, le camp Retailleau observe un recul prudent. Tout d’abord Bruno Retailleau lui-même : « Je constate avec tristesse que cette entreprise d’intimidation fonctionne encore. Quant à moi, je n’y céderai pas, même pour affaiblir le Rassemblement national que je combats par ailleurs. D’abord parce que la confrontation des idées n’interdit pas l’honnêteté », déplore-t-il, dans un communiqué. L’eurodéputé François-Xavier Bellamy et le sénateur Le Rudulier, porte-parole de la campagne de Bruno Retailleau, défendent à leur tour le député du RN. C’est l’avantage du Sénat sur l’Assemblée : nul besoin de se prononcer sur des motions de censure et pas d'exposition aux effets de groupes et autres réactions à chaud.

Le Groupe LR sur le point d’imploser ?

53 des 62 députés LR ont signé et publié une tribune dans le JDD. Menés par le député apparenté LR Pierre Cordier, le texte condense le malaise : « La réforme oui, la chienlit non ! » Si elle ne traduit pas nécessairement l’envie de rejoindre la majorité, elle en dit long sur l’errance du groupe présidé par Olivier Marleix. Ballottés de 49-3 en 49-3, pris en otage par la NUPES et le RN qui signent motion de censure sur motion de censure, le groupe LR se veut à la fois dans l’opposition sans sembler assurance-vie d’un gouvernement. Il se murmure même dans les travées du palais Bourbon que plus d’une dizaine d’entre eux s’interrogeraient sur une sécession pure et simple.

« L’urgence est de se doter d’un corpus idéologique solide, faire du fond pour en finir avec l’ambiguïté permanente. C’est la force de Bruno Retailleau », plaide Grégoire Houdan.

« Quelles que soient les pressions, je ne serai pas le président d’un groupe qui s’alliera avec M. Macron », affirmait Olivier Marleix dans les colonnes du Figaro. Du coté de la Macronie, on maintient qu’une alliance est possible. Dans tous les cas, la main tendue d’Élisabeth Borne sera sans doute le dernier canot de sauvetage pour les naufragés du Titanic : la prendre ou mourir noyé. Et tant pis s’il faut, pour cela, écraser les amis !

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

30 commentaires

  1. La carrière de Ciotti homme de droite est terminée. Il s’est ridiculisé. Il n’a jamais eu le cran de renverser la table et a préféré soutenir Pécresse. Incapable de se hisser à la hauteur des enjeux (tragiques) du Pays, il se laisse frapper encore par la malédiction de la vraie fausse droite qui se couche devant le magistère moral et culturel de la gauche.

    • Il devient évident que Ciotti ne cherche qu’une gamelle et un panier bien chaud. Ses discours ne sont qu’illusions.

  2. Ciotti s’est déconsidéré et les LR, qui ne représentent plus rien, vont disparaître en majorité vers le camp de la bien pensance pour conserver leurs mandats…

  3. Ciotti vient clairement de tirer dans le dos du RN après l’incident à l’AN provoqué par LFI. Si c’est Retailleau qui est élu peut-être sera-t-il possible alors de faire une union nationale comme en Suède et en Italie.

  4. Pour le moment, les LR roulent pour Macron, qu’ils le veuillent ou non, et contribuent à prolonger cette grande destruction de la France par cette équipe infernale.
    Ils en portent donc une grande responsabilité, et les français s’en souviendront…
    Ce parti est condamné.
    Ils ne se rendent pas compte que l’autre, à l’Elysée est un tueur ; il finira par éliminer ce parti moribond, comme il a déjà tué les socialistes.
    R.I.P.

    • ++++++++ »qu’ils le veuillent ou non » Et Ciotti, sans peut être le vouloir, sans même être conscient de la portée de ses paroles, s’est couché devant la gauche, par réflexe, par habitude, parce que ça « fait bien » ça fait montre de tolérance et d’ouverture, ….. Pas mieux qu’Estrosi !

    • Les LR ont été au pouvoir et n’ont rien prouvé ! À part ratifier le traité de Lisbonne , déstabiliser la Libye , nous en subissons les conséquences !

  5. Ce non-évènement n’intéresse personne mais nous souhaitons que les votants aient la main aussi heureuse que celle de ceux qui choisirent dame Pécresse à cette dernière Présidentielle. Bien entendu – c’est un autre débat – on devrait souhaiter celui qui s’engagerait que l’on passe à plus sérieux à savoir le retour à ce que leurs grands anciens ont détruit pour le choix d’un Chef d’Etat en France que le Barnum à nous infligé qui va nous installer là le candidat de 2027!!

  6. La droite la plus bête du monde qui ne peut s’allier .
    Monsieur Ciotti que j’estimais a perdu ma considération ..

  7. Il faut l’admettre, les LR est un parti agonisant.
    Composé de représentants sans colonne vertébrale idéologique, chacun essaie de sauver sa peau et parie sur l’avenir.
    La prochaine élection verra un éclatement entre les trois franges.
    Retailleau et la petite bourgeoisie, Pradier et sa frange progressiste bobo et Ciotti qui nous a montré son vrai visage lors de l’affaire Fournas.

  8. Ciotti, Retailleau , Wauquiez, même clique opportuniste ! Le mieux c’est qu’ils disparaissent ou rejoignent s’ils sont sincères, le RN ou Reconquête

  9. Entre Ciotti qui tirant sur l’ambulance révèle sa véritable appartenance et sa capacité à prendre le vent d’où qu’il vienne et Wauquier qui se vautre dans la luxure avec l’argent des autres on est bien lotis pour redresser la France et protéger les français des délires progressistes de l’autre citoyen du monde ”enmemetemps”…

  10. Bravo messieurs,vous avez bien profité des leçons de trahison du maître Sarkozy,les électeurs ne s’y tromperont pas

  11. Retailleau serait porteur d’un « corpus idéologique solide » ? On le cherche désespérément ! Notons que Retailleau dit qu’il combat le RN tandis que certains invoquent « l’union de la droite » à longueur de journées. Que peut-on encore attendre des politiciens LR qui sont parmi les pires de l’arc politique ? Rien, bien sûr.

  12. Je ne vois pas, plus, l’intérêt de continuer de parler de ce parti de traîtres. Continuer de lui faire une place dans vos colonnes revient à lui faire trop d’honneur ! Ce parti mérite d’être traité par le mépris. Sarkozy soutient LR ? C’est nouveau, la semaine dernière il annonçait fièrement que si c’était à refaire, il soutiendrait à nouveau Macron pour la présidentielle ! Il tourne sa veste toute les semaines ! Probablement en raison du procès latent, il cherche l’indulgence des juges… Et toujours la même rengaine :surtout pas d’alliance avec le RN ou Zemmour ! Ils ont toujours préféré s’allier avec les socialistes. On voit le résultat et l’état de la France aujourd’hui !

  13. Deux commentaires seulement : on voit bien que le sujet n’en est pas un tant il ne passionne pas les français, et je dirais, à juste titre.
    Ciotti à déçu et Retaillau décevra à coup sûr.
    Seul Zemmour ne déçoit pas.

  14. Vous remplacez les initiales LR par celles de PS et vous avez le même article qui doit capter l’intérêt des lecteurs de BV ….

Commentaires fermés.

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