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Cet article a été publié le 04/01/2023.

Les Français consomment de moins en moins de vin. Ce joyau de notre patrimoine national est-il menacé de disparition ? Nous n'en sommes pas encore là, mais la question mérite d'être posée.

La situation est inédite. Des viticulteurs se mobilisent pour demander au gouvernement un plan social d’arrachage des vignes. Yves d’Amecourt, vigneron dans le Bordelais, nous confie : « Il y a des viticulteurs qui, aujourd’hui, n’ont plus les moyens d’entretenir leurs vignes. D’autres n’avaient même pas de place dans leurs caves pour accueillir la nouvelle récolte. Ils ont fait le choix de ne pas vendanger. » Il poursuit : « Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire, à Bordeaux, qu’il y a trop de vignes et qu’il faut arracher entre 15 et 20.000 hectares de vignes. Il faut réduire les stocks et réduire la production pour retrouver un équilibre entre l’offre et la demande. » Le vin, indissociable du « repas gastronomique des Français » inscrit comme patrimoine culturel immatériel de l'humanité, est-il sur le point de disparaître de nos tables ?

Riche de ses 84 départements viticoles, et avec plus de 3,21 milliards de bouteilles de vin, la France se hisse pourtant en deuxième position (derrière les États-Unis et devant l’Italie) des pays consommateurs de vin. Mais, toujours selon ces sources, et à force de matraquage publicitaire et d’infantilisation (« Un verre, ça va, trois verres, bonjour les dégâts », le défi de janvier Dry January…), 97 % des Français ont pris le parti de concilier plaisir et consommation à moindre risque. Autrement dit, 9 Français sur 10 ne consomment pas de vin tous les jours et 8 Français sur 10 déclarent boire moins de deux verres par jour, les jours où ils boivent. Un changement de régime qui impacte de plein fouet les producteurs, au point que certains sont contraints de laisser leurs parcelles en friche.

Cette tendance à la baisse, Jean-Marc Trahan, producteur dans les Deux-Sèvres, dont l'une des cuvées vient d'obtenir la médaille d'argent du Concours général agricole Paris 2022, l’observe également. Vigneron de père en fils depuis quatre générations, il évoque de possibles réductions de parcelles ou l'élaboration de vins moins alcoolisés pour mieux appréhender l’avenir. S’il reste persuadé que « le vin ne disparaîtra pas car il reste un produit de convivialité et marqueur de bien recevoir », il constate que cette boisson « est devenue un produit de fête et non plus un produit de consommation de tous les jours ».

À quelques encablures de là, dans le Maine-et-Loire, Vincent Joly incarne quant à lui la troisième génération de vignerons à la Coulée de Serrant. Ici, le constat est plus nuancé puisqu’au contraire, il n’a pas assez de vins à vendre. « À partir du moment où l’on propose au consommateur un vin authentique et de qualité, c’est-à-dire fait avec une agriculture qui respecte l’environnement et sa santé, sans adjuvants ni produits chimiques, nous observons que cela correspond à un besoin, et année après année, la demande de ne cesse d’augmenter. »

Consommer moins mais mieux

Gabriel Teissier, directeur du développement de Via Caritatis, vignobles dans le Ventoux cultivés par des bénédictins, confirme cette baisse générale de la consommation mais ne la subit pas. Leurs vins monastiques séduisent un public grandissant, tant pour la belle histoire qui l’accompagne, la démarche sociale et solidaire auprès des vignerons voisins, que pour la qualité de leurs bouteilles liée à la situation des parcelles apportant « une fraîcheur liée à notre situation montagneuse et un très généreux ensoleillement ». Ce dernier confirme que « depuis une dizaine d’années, les gens consomment de moins en moins mais de mieux en mieux. Le rouge à table tous les jours, c’est terminé, ils privilégieront une bonne bouteille. » Même constat pour Yves d’Amécourt : « Les vins de piètre qualité ont quasiment disparu du marché. » Las, il déplore qu’« on enterre chaque jour des gens qui buvaient du vin tous les jours sur leur table et sont remplacés par des jeunes qui sont principalement des buveurs de bière ». Une nouvelle génération biberonnée à l’idée que le vin n’est pas bon pour la santé. Un préjugé contre lequel se bat Gabriel Teissier en rappelant que des études médicales ont prouvé les bienfaits du vin. Consommé avec modération, le resvératrol, polyphénol contenu dans les grains de raisin, agit comme un agent préventif des maladies cardio-vasculaires et de certains cancers. Le vin est bon pour les artères et prolonge l’espérance de vie.

Sauvegarder notre patrimoine

Tous s’accordent à souligner le défaut d’éducation auprès des nouvelles générations pour ce qui concerne la consommation de vin. Vincent Joly note qu’« aujourd’hui, un jeune actif qui veut s’intéresser aux vins aura plus de facilité qu’avant, mais la question de la distribution reste encore à améliorer car pour le consommateur, ce n’est pas toujours simple de s’y retrouver ». Outre le manque d’éducation, il dénonce un manque de transparence ne permettant pas bien aux jeunes « de voir ce qu’ils consomment et ce qu’ils achètent ».

Pour perpétuer cette tradition viticole en danger, Yves d’Amécourt en appelle à une diplomatie du vin : « Le Président est plus occupé à vendre des avions et des armes que du vin ! Pendant ce temps, d’autres pays, comme le Chili, sont beaucoup plus offensifs et mettent leur diplomatie au service de l’exportation des vins. Ils obtiennent notamment des droits de douane plus avantageux sur des marchés prometteurs. Lorsqu’elle négocie les accords internationaux, la France semble oublier que la filière viticole est à la seconde place des contributeurs à la balance commerciale de la France, derrière l’aéronautique et devant les cosmétiques. »

Aux nouvelles générations « mcdonaldisées » de délaisser leurs boissons chimiques au profit de ce qui constitue notre culture et nos traditions. Le petit ballon plutôt que le soda au citron, la syrah plutôt que le soda au cola. Puissent-ils, en 2023, savourer la diversité des cépages français constituant la richesse de nos paysages et, ainsi, se réapproprier ce vin qu’on nous envie dans le monde entier. Une fois encore, il en va de notre art de vivre, et une fois encore, il y a urgence !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/10/2023 à 13:48.

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04 janvier 2020 à 15:00

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34 commentaires

  1. IL faut bien préparer le moment où les coranisés auront pris le pouvoir car l’alcool est interdit , la consommation du porc suivra , c’est étonnant comme les français ne font plus Français .

  2. Le vin représente un budget et fait parti des premières choses supprimées pour que soit garantie une alimentation de qualité. A la quantité, la qualité est maintenant privilégiée et vient souligner les occasions spéciales où il apporte sa touche de gaité et d’art de vivre à la Française.

  3. Juste un verre de Bourgogne ou de Beaujolais, sinon rien.
    Juste un verre de Bordeaux pour une femme enceinte, et ce sera la santé pour un futur joyeux petit Français bien Républicain

  4. Vu les prix du moment pour une bouteille de pinard de qualité douteuse, faut pas être surpris. Minimum 5€ en grandes surfaces, la concurrence donne le soda gagnant. Ceci dit, à force de vouloir desalcooliser les Français, on les rendra obèse et Diabétiques. Encore une réussite dont nous avons le secret.

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