François de Voyer : « Ces aides nous permettent de tenir. Dommage que l’État n’ait pas été capable d’avoir des mesures plus fines en fonction de la situation de chaque entreprise »

françois de voyer

François de Voyer est chef d'entreprise. Pour Boulevard Voltaire, il fait le point sur les aides apportées par l'État dans ce contexte inédit de crise et de confinement.

Vous êtes chef d’entreprise spécialisé dans l’aide à la personne et plus particulièrement les personnes à mobilité réduite. Comme tous les entrepreneurs, vous êtes fortement impacté par le confinement et par la crise liée au contexte sanitaire. Comment traversez-vous cette période compliquée ?

C’est une période extrêmement difficile. Nous avons réalisé à peine 30 % de notre chiffre d’affaires de 2019. Nous avons la chance de travailler depuis 12 ans, nous avions donc la trésorerie pour affronter le plus dur de la crise. C’est moralement très douloureux de ne jamais avoir de visibilité et d’avoir cette angoisse du lendemain. Nous ne savons pas combien de temps vont durer les aides de l’État. Concrètement aujourd’hui, ce sont ces aides qui nous permettent de tenir jusqu’au moins le début de l’année 2021. C’est difficile de se projeter.

 

Vous bénéficiez de ces aides. Elles vont a priori sauver votre entreprise même si la période est compliquée. Certaines aides de l’État sont donc efficaces. Cela rassurera peut-être nos lecteurs.

J’ai pourtant l’habitude d’être extrêmement critique vis-à-vis de ce gouvernement. Néanmoins, je dois noter que les principales qualités dans les réactions d’Emmanuel Macron par rapport à cette crise sont la rapidité de l’attribution des aides et certaines générosités pour les entreprises du même type que la mienne. Les aides régionales sont versées le 15 de chaque mois d’une valeur 1500 euros hors ou pendant le confinement. L’activité partielle a elle aussi été mise en place très rapidement. Généralement le remboursement se fait dans une dizaine de jours. Quand on veut, on peut être efficace et rapide. Le montant des aides est adapté à la structure de l’entreprise. La critique importante que je formulerais c’est qu’il n’y a aucune prise en compte. Aujourd’hui, les aides sont attribuées à partir du moment où vous faites moins de 50 % du chiffre d’affaires du mois de 2019 équivalent. Que vous fassiez 49 % ou 5 % de votre chiffre d’affaires, vous recevez ce même montant.

Par exemple dans le cas des fermetures administratives, ces entreprises sont à zéro. Les aides sont très peu élevées comparées à l’activité qu’ils font. À l’inverse, ceux qui font 55 % de leur chiffre sont lésés puisqu’ils ne reçoivent aucun soutien de l’État, lors qu’ils voient une activité en forte perte de vitesse.

 

Selon vous, quelle est la logique ?

Il y a une logique technocrate centralisatrice et un manque de connaissance du tissu entrepreneurial. Il aurait pourtant été assez simple d’organiser un système d’aide avec des paliers en fonction du pourcentage du chiffre d’affaire perdu. Cela a d’ailleurs été fait récemment pour les entreprises qui fermaient administrativement. Ils vont recevoir un pourcentage de leur chiffre d’affaire. C’est la toute nouvelle mesure suite au dernier confinement. Nous n’en profitons pas puisque nous ne sommes pas fermés administrativement, mais là, c’est une mesure un peu plus fine. C’est surtout une grosse fierté dans la réponse, qui je trouve est un peu l’écho de la grosse fierté dont la crise a été gérée, c’est-à-dire très mal gérée.

On peut retirer quelques atouts. L’État peut être rapide comme il le veut vraiment. Il y a des fonds beaucoup plus importants qu’on l’imagine. Il faudra bien payer un jour tous ces montants absolument délirants. J’ai peur que ce soient à nouveau les entrepreneurs qui aient à payer tout cet argent qui a été avancé.

Certaines aides ne nécessiteront pas un remboursement et d’autres sont des prêts que les entrepreneurs vont devoir rembourser.

Oui, je le crains. Il y a l’activité partielle liée au statut de salarié. Elle est entièrement prise en charge par l’assurance chômage. Il y a les aides régionales de l’État sans contrepartie. Il y a les reports de charges. Elles seront à payer, mais elles vont courir sur presque une année .Cela permet de respirer un peu du point de vue de la trésorerie. Les prêts régionaux sont attribués de façon très intelligente et rapide à travers notre comptable. Ce dernier transmet le dossier directement . Cela nous permet de recevoir très rapidement entre 10 000 et 50 000 euros de prêt. C’est à prendre et à laisser. Il est un peu surprenant de voir l’extrême générosité à l’égard de certaines grandes entreprises qui ont obtenu des prêts garantis par l’État, alors qu’elles avaient plusieurs millions de trésoreries. J’ai quelques exemples assez hallucinants. Ces mesures n’ont pas été affinées. C’est dommage parce qu’on aurait eu le temps. Autant pour le premier confinement, on pouvait le comprendre autant pour cette nouvelle période, il est assez regrettable que l’État n’ait pas été capable d’avoir des mesures plus fines et plus nuancées en fonction de la situation de chaque entreprise.

 

François de Voyer
François de Voyer
Chef d'entreprise - Président du collectif Audace

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