France-Algérie : Macron sur le chemin de Canossa ?

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Pour se faire respecter, encore faut-il être respectable, mais pour être respectable, il faut savoir se faire respecter. Apparemment, ce n'est pas le cas d'Emmanuel Macron, si l'on en juge par la façon dont les autorités algériennes le traitent. Il faut dire qu'il l'a bien cherché : à force de céder, on perd de son autorité, jusqu'à ne plus en avoir du tout. Macron a pris l'habitude de se coucher devant l'Algérie : le gouvernement algérien, trop content, lui en demande toujours davantage.

On se souvient que le locataire de l'Élysée avait déclenché la colère d’Alger après des propos accusant le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ». Des propos non dénués de vérité, mais quelque peu étonnants de la part d'un homme qui avait déclaré, devant un journaliste algérien, que la colonisation est « un crime contre l'humanité ». Il est vrai que la cohérence n'est pas le propre d'un Président qui croit, pour se faire bien voir, devoir dire à chacun ce qu'il aime entendre. Habileté pour ses courtisans et, pour les plus lucides, comble de la démagogie.

Après cette crise diplomatique, Macron, selon des informations du journal L'Opinion, a tenté d’appeler son homologue Abdelmadjid Tebboune pour le convaincre de venir, le 12 novembre, à la conférence de Paris sur la Libye, mais le téléphone a sonné dans le vide : pas d'interlocuteur au bout du fil ! Le chef de l'État algérien l'a boudé, jouant les coquettes offensées et se faisant désirer. Il avait prévenu qu'il ne ferait pas « le premier pas » pour apaiser les tensions et confié à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel que Macron l'avait provoqué « pour des raisons électorales stratégiques ». Allait-il maintenant se dégonfler un peu plus et présenter des excuses ?

C'est ce qu'il a choisi de faire pour essayer de recoller les morceaux. Selon le palais de l’Élysée, rapporte le magazine Le Point, le Président « regrette les polémiques et les malentendus » avec l'Algérie et assure avoir « le plus grand respect pour la nation algérienne » et « son histoire ». Le chef de la diplomatie algérienne a salué ces déclarations, qu'il a qualifiées de « raisonnables », sans passer l'éponge toutefois. L’Algérie prendra part à la conférence internationale sur la Libye, mais « les conditions ne sont pas réunies pour que [le président algérien] participe personnellement à cette conférence » : il se fera représenter.

Cette anecdote montre, s'il en était besoin, à quel point le Président, qui se compare volontiers à Jupiter, ressemble plutôt à un matamore, fort en gueule mais pleutre dans l'action. Abdelmadjid Tebboune a bien jaugé sa faiblesse, dont il profite, lui aussi, pour des raisons politiques, et prend plaisir à l'humilier. Le problème, c'est qu'en humiliant Macron, il humilie aussi la France. Raison de plus, si d'aventure vous hésitiez, de siffler, en avril 2022, la fin de la partie.

 

 

 

 

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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