« Si le FN que j’incarnais l’avait emporté à l’époque, le FN ne serait pas en crise »

Pour Bruno Mégret, le départ du FN de Florian Philippot n'a rien à voir avec le sien en 1998. En effet, Florian Philippot et Marine Le Pen partagent la même vision politique, qui n'est pas celle de la majorité des cadres et des militants. Avec ce divorce, Marine Le Pen vient donc de perdre son cap.

Dès lors, quel avenir y a-t-il pour le FN ?

Le départ de Florian Philippot est-il un événement comparable à votre propre départ du Front national en 1998 ?

Cela n'a absolument rien à voir.
Monsieur Philippot et madame Le Pen partageaient la même vision politique. Ils avaient le même programme et la même stratégie.
J'avais avec Le Pen, en revanche, une différence de fond sur le plan de la stratégie, notamment. Je voulais mettre nos idées sur la route du pouvoir. Pour cela, il fallait que Le Pen abandonne ses dérapages verbaux et ses références sulfureuses, ce qu'il se refusait de faire.
Il ne souhaitait pas le pouvoir, il se contentait de vouloir protester et de témoigner.
L'autre différence fondamentale est que l'écrasante majorité des cadres et des militants m'ont suivi. 60 % d'entre eux m'ont suivi.
Florian Philippot, quant à lui, est très isolé. Une des causes de la crise est, d'ailleurs, l'opposition que lui portaient les militants du Front national.

Florian Philippot a déclaré qu'il partait aussi parce que le parti se "mégrétisait". Qu'en pensez-vous ?

Cela révèle le fond du problème.
Si on en revient à Marine Le Pen, elle a hérité d'un parti dont elle n'a pas les idées.
Elle a donc entrepris de les changer, au moins dans les priorités, en substituant à la défense de notre identité - qui est une exigence absolument fondamentale - une version un peu nostalgique de la souveraineté et une ligne sociale digne de la gauche des années 50.
Dans un premier temps, les électeurs n'ont pas perçu cette modification pourtant fondamentale. Ils ont continué à voter massivement pour un Front national dont ils pensaient qu'il avait toujours les idées que j'avais largement contribué à forger à l'époque.
Aux présidentielles, ils se sont rendu compte de l'imposture et des insuffisances de Marine Le Pen.
Cela explique l'insuccès électoral de Marine Le Pen et la crise actuelle.

Comment expliquez-vous que le MNR, le parti que vous avez fondé après votre départ, n'ait jamais réussi à fédérer autour de vous cette majorité d'électeurs qui, finalement, est restée fidèle au Front national ?

Au moment de la scission, le résultat s'est joué de très peu.
Aux élections européennes qui ont suivi la scission, la liste que je conduisais est arrivée deux points seulement derrière Jean-Marie le Pen.
Cela s'explique par le fait que le Système ait délibérément choisi de soutenir Le Pen, qu'il estimait beaucoup moins dangereux pour lui que la ligne politique que j'incarnais.
C'est la raison pour laquelle la Justice a fait diligence pour donner, en quelques semaines, le monopole du logo FN à Le Pen. La subvention d'État a été versée immédiatement à Le Pen, avant les élections européennes.
Ça s'est joué de très peu. Je regrette fondamentalement que le score de l'époque n'ait pas été inversé. Si le Front national que j'incarnais à l'époque l'avait emporté, si c'était lui qui avait été présent aux élections présidentielles du printemps dernier, je crois que le Front national ne serait pas en crise et que la droite nationale aurait tous les espoirs devant elle.

Pouvez-vous dire que le Front national va retrouver une ligne idéologique claire et plus à droite après le départ de Florian Philippot ?

Je suis très perplexe.
Le fond de l'affaire est que Marine Le Pen partage les idées de Florian Philippot.
Elle avait donc avec lui un cap. Elle vient de perdre son cap. Va-t-elle suivre un cap qui n'est pas le sien ?
J'ai peur qu'elle n'ait plus de cap du tout et que cela tourne un peu en rond.

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