Les élections européennes mettent les partis politiques en émoi et les journalistes sur le qui-vive. Pourtant, de nombreux Français restent de glace. La bohême bourgeoise parisienne peut les traiter de veaux, leur bon sens ravigote le cœur. 48,7 % d'entre eux se sont abstenus, ce qui prouve qu’ils ont deviné que, loin d’être conviés à un événement politique le 26 mai, ils ne sont invités qu’à une représentation théâtrale. Les ficelles sont un peu grosses et un simple coup de projecteur révèle en effet l’artifice.

Ce « Parlement » aurait peut-être un sens si les députés européens disposaient d’un pouvoir significatif. Seulement, ils ne sont pas des commissaires et n’en ont pas. Peut-être pourraient-ils constituer des groupes de pression capables de se faire entendre, mais le jeu des alliances politiques étendu à l’échelle d’un continent n’aboutit qu’à des regroupements mous faits de compromis et de compromissions. Est-il jamais ressorti quoi que ce soit des « partis » européens ? Voici qui limite la portée du vote de dimanche. Ce n’est pourtant pas l’essentiel.

Un terme-clef de la communication politique est « démocratie ». Le mot fait croire à la chose. Les technocrates européens l’ont bien compris en créant de toutes pièces un « Parlement européen » et des élections à l’échelle de l’Union. La démocratie exprime la souveraineté populaire. C’est une lapalissade que de rappeler qu’il n’y a pas de souveraineté sans peuple. Or, quoi qu’on en dise dans les dîners en ville progressistes, la « citoyenneté européenne » est une expression vide de sens. Les Slovaques s’intéressent-ils à la baisse du taux de chômage en France ? Les Irlandais manifestent-ils pour défendre le pouvoir d’achat des retraités grecs ? Les Portugais s’émeuvent-ils sincèrement de la corruption en Pologne ? Un bulletin de vote sans souveraineté n’est rien de plus qu’un bout de papier.

La civilisation européenne s’est construite autour de l’idéal de la liberté politique, qui est avant tout l’expression collective d’une identité donnée sur un territoire défini. L’Union européenne a, pour sa part, inventé l’élection non représentative. Les « parlementaires » élus par plus de 400 millions électeurs européens (en principe) de 27 ou 28 pays différents (on ne sait plus trop) ne représentent rien d’autre que les rapports de force démographiques des pays de l’Union et une cartographie de leurs équilibres politiques internes.

Conçu pour redorer le blason d’une « construction européenne » réalisée en dépit de la volonté des peuples concernés, le « Parlement » européen n’a pas pour vocation que d’assurer un exercice démocratique illusoire à une telle échelle. Il n’est qu’un décor, un parloir, à la rigueur. Le Parloir européen de cette prison technocratique des peuples qu’est devenue l’Union.

Voici ce que nous pourrions appeler une fake democratie, c’est-à-dire l’instrumentalisation du vocabulaire et des outils de la démocratie au profit d’un système technocratique construit sur la mise à l’écart des principes de la souveraineté populaire et de la représentativité citoyenne. Les élections du Parloir européen en sont l’archétype.

Il ne suffit pas de voter pour être représenté ; c’est pourtant sur cette confusion que repose la fake democratie européenne.

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26 mai 2019 à 22:45

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