Stéphane Bern – nouveau « Monsieur Patrimoine » qui a montré, notamment à travers ses émissions télévisées, qu’il faisait grand cas de ce dossier que d’autres glissaient plus volontiers sous le tapis, préférant encenser des audaces contemporaines douteuses –, va sûrement susciter la polémique : dans Le Parisien du 10 novembre, l’animateur de télévision a proposé de "faire payer l'entrée des cathédrales" pour entretenir le patrimoine religieux.

Stéphane Bern, qui, par ailleurs, "avoue […] être en désaccord avec la politique fiscale menée par Emmanuel Macron" (Le Figaro), sait que sa mission est empoisonnée car notre patrimoine, d’une richesse incomparable – les dizaines de millions de visiteurs étrangers qu’il attire chaque année l’attestent –, est en danger.

Entendons-nous : les cathédrales sont un lieu de culte pour les catholiques et doivent le demeurer. Faire payer des fidèles venus écouter la messe, célébrer Noël, Pâques, l’Assomption, etc. : pas question. Mais en dehors de ces célébrations, pourquoi ne pas verser le denier du patrimoine à des joyaux architecturaux recelant un mobilier d’exception – je pense, ici, à la cathédrale d’Amiens – pour lequel on n’hésiterait pas à payer s’il s’agissait d’un musée ?

On paie bien pour visiter l’abbaye du mont Saint-Michel et monter en haut des tours de Notre-Dame de Paris ou voir son Trésor. Certains catholiques versent déjà leur obole lorsqu’ils pénètrent dans ces sanctuaires dont le médiéviste Jacques Le Goff disait, dans un entretien accordé au Nouvel Observateur : "Je crois que la cathédrale est un de ces monuments extraordinaires — comme le sont certains temples hindouistes ou bouddhistes — qui parlent autant aux gens les plus cultivés, les plus spiritualistes, qu'aux gens les plus simples. C'est cela, le miracle de la cathédrale."

Stéphane Bern agit avec pragmatisme, et je ne suis pas loin de penser qu’il faudrait étendre cela à tout le patrimoine religieux en péril. Je connais, par exemple, une splendide abbatiale gothique et sa chapelle attenante de la Vierge – à Saint-Germer-de-Fly, dans l’Oise – qui portent les douloureux stigmates du temps et nécessitent une impérative restauration. Ce n’est là qu’un édifice parmi tant d’autres.

Enfin, au-delà de la mémoire qu’il porte en lui, le patrimoine coûte peut-être cher mais il rapporte, ne l’oublions pas. Demandons-nous un instant si les touristes se presseraient aussi nombreux à Vézelay dans le cas où sa basilique Sainte-Marie-Madeleine, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, tombait en ruine. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, il faut choisir.

Pour ma part, j’ai choisi, avec une satisfaction secrète, d’entendre mes pièces tinter pour remercier à la fois Dieu et les hommes qui, jadis, édifièrent ces sanctuaires où je me sens si bien !

L’idée de Stéphane Bern mérite donc qu’on s’y penche avec attention.

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12 novembre 2017 à 16:58

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