[EXPO] « Douce France », nos petites patries vues par Landier

expo Landier

Dans l’air du temps il y a la France moche et Paris saccagé. Des réalités qu’on finit par ne plus voir, tant elles sont banales, mais qui ne manquent pas de nous sauter aux yeux de temps en temps : qui peut s’abstraire de la laideur ? Et puis, il y a « la douce France », celle qu’a choisi de parcourir le peintre Henri Landier. Il s’est laissé aller au plaisir de dessiner et d’aquareller maisons, places, rues villageoises, cours de ferme, églises modestes ou grandes abbatiales qui forment ce patrimoine commun, ici couvert d’ardoises, là de tuiles, et ailleurs des deux.

Les lieux sont situés, on voyage de la Bretagne à l’Aveyron en passant par Annecy, l’Auvergne, l’Essonne ou la butte Montmartre, mais ils pourraient ne pas l’être car autant de petites patries forment la grande et chacun s’y retrouve. Nous en sommes tous les enfants. Il y a d’ailleurs du dessin d’enfant dans la technique en apparence toute simple que l’artiste a choisi d’employer : le trait décidé et des plages de couleurs qui chantent d’autant mieux que le blanc tient sa place.

Un chat qui traverse la rue déserte, des enfants sur le chemin de l’école à Cosnes-sur-Loire, le mariage de Zélia à Montmartre… l’artiste s’émerveille avec un lyrisme non dénué de nostalgie, il l’avoue lui-même : que reste-t-il de cette France ? Qu’en restera-t-il, dans une ou deux décennies ? J’ajouterais : qu’en seront devenus les autochtones ? Autre habitat, autres mœurs.

Au début des années 1970, Landier peignit une importante série de toiles consacrée à l’éclosion de la ville nouvelle qu’était le quartier de la Noé à Chanteloup-les-Vignes – une ZAC, « zone d’aménagement concerté » : la France moche, déjà, dans l’appellation ! Don des fées, le peintre sut exprimer la beauté de cette naissance. Privilège d’artiste, la beauté de ses toiles demeure – mais on sait ce qu’est devenue la ZAC : une terre d’insécurité et d’émeutes… En est-ce, aujourd’hui, le corollaire qu’il peint, la beauté de la mort de la « douce France » ? Nul ne le sait. Mais il faut continuer de voir et d’aimer, comme il nous apprend à le faire à travers ses œuvres, nos façades et nos toits de pierre, nos ruelles et nos édifices couronnés de croix et de coqs, sans se laisser impressionner par le grignotage plus ou moins rapide auquel se livrent le béton, les paraboles et les œuvres d’art subventionnées.

Exposition à voir ici : Atelier d’art Lepic, 1, rue Tourlaque, 75018 Paris. Jusqu’au 25 juin 2023, du mardi au dimanche de 14 h à 19 h.

 

Légende : Henri Landier, Place de l’église à Boigneville (Essonne, 2022). Aquarelle, 55 x 81 cm.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Ce ne sont pas les constructions que l’on peut incriminer mais les gens qu’on y met qui rendent la vie moche . Voyez le haut pays basque comme, faute de mélange de population, c’est propre et joli.

  2. Boulevard Voltaire pourrait renouveller l’expérience « douce France » d’il y a plusieurs années. Cela permettrait aux lecteurs de s’exprimer sur la situation que nous vivons au quotidien en rapport avec les changements brutaux de nos régions . Ainsi et pas plus tard qu’hier j’ai pu pour ma part vérifier ce qu’était la notion de « spot » notion que nous trouvons un peu partout en France et qui se developpe. Explication : sur un territoire géographique donné et sur des kilomètres , le béton est roi, disgracieux. Les villes sont sales , les commerces au bord de la fermeture , les populations ont changé. Soudainement et au cœur de cet océan de médiocrité et de crasse vous trouvez un village paradis bobo d’un week-end pour citadins riches. Le même syndrome s’observe dans nos grandes villes. Sous peu ces communes seront dotées d’un péage, on s’y rendra comme pour une visite au zoo ou à Euro Disney. Le socialisme c’est ça.

    • Quand vous vous promenez dans les rues de nos villes essayez donc de croiser quelqu’un qui rigole . Je vous souhaite bon courage, notre belle France est devenue triste à mourir .

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