Et maintenant, c’est l’hôpital qu’il faut décarboner !

hôpital

La nouvelle religion écologiste gangrène presque tous les domaines, mais j’étais loin d’imaginer qu’elle infecterait si vite mon lieu de travail - la salle d’opération - et, plus largement, le monde hospitalier. C’est chose faite avec le C2DS (« Comité pour le développement durable en santé ») qui se propose de « décarboner l’hôpital ». À noter que le nom de domaine de son site se termine par « .eu », généralement attribué aux marionnettes de l'Union européenne.

Le C2DS s’inquiète ainsi de « l’impact des gaz anesthésiants », sans aller, toutefois, jusqu’à suggérer qu’endormir les patients à la matraque serait moins polluant… Il se flatte également d’avoir obtenu, ici et là, des repas végétariens, privant au passage les opérés des protéines utiles à une cicatrisation rapide, mais… que ne ferait-on pas pour sauver la planète ? Quant aux matériaux jetables à usage unique, recommandés après l’affaire de la vache folle pour lutter contre les infections nosocomiales[1], le C2DS n’est pas loin de suggérer que c’est du gaspillage… Revenons vite aux seringues en verre du temps de Pasteur, stérilisées à l’eau bouillante !

Hélas, il ne s’agit pas de l’agitation d’une minorité agissante, puisqu’à l’heure où le Covid a démontré le manque de lits, de personnels, de moyens et d’organisation, les ARS (agences régionales de santé) ne trouvent rien de mieux à faire que de lancer une enquête à en-tête de la République, « Développement durable et chirurgie : « L’impact des blocs opératoires sur l’environnement est un sujet de préoccupation [ah bon ?], pourriez-vous répondre à ce court questionnaire en ligne afin que nous puissions apprécier l’avis des chirurgiens de notre région ? »

Suivent quelques questions assez ébouriffantes telles que « À quoi correspond pour vous le développement durable ? » L’objet est effectivement si gazeux que l’on n’en demande pas la définition, mais seulement « à quoi il correspond »…

« Quels moyens de transport utilisez-vous pour aller travailler ? (et sa durée) ? » Intéressante question, mais si on sait que beaucoup de chirurgiens travaillent le matin à l’hôpital, et l’après-midi dans une, voire deux, cliniques et dans leur cabinet privé, il y a peu de chances qu’ils aient porté leur choix sur la RATP ou la trottinette électrique, surtout s’il faut reprendre une hémorragie post-opératoire à 23 heures à l’autre bout de la ville ou du département !

(Le C2DS s’était penché sur le même thème pour calculer, par exemple, que dans un CHU, « ce sont les déplacements domicile-travail des 12.000 agents qui représentent à peu près la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’établissement ». Belle découverte, mais sans doute assez peu différente de celle des services des Phares & Balises ou des Carrières abandonnées !)

« Quelle est la part de l’activité opératoire par rapport à l’ensemble des activités de l’établissement dans l’impact de l’établissement sur l’environnement ? » Celle de mon bistouri électrique par rapport à la photocopieuse du directeur ? À vrai dire, je n’en ai pas la moindre idée et, surtout, je m’en bas les [censuré].

Autre perle : « À votre avis, quel volume d’eau est consommé pour une opération de la cataracte ? 20 l ? 40 l ? 60 l ? 80 l ? » La seule réponse non proposée est, bien sûr, la bonne : le volume d’eau nécessaire et suffisant pour que le patient ne se retrouve pas aveugle.

J’arrête ici pour ne pas lasser, mais pour la bonne bouche : « […] quel pourcentage (%) de salles d’intervention sont inutilisées en 24 h ? » Fastoche : à l’hôpital public, 70 % (35 h, récup’, etc.) ; dans le privé, 25 % (la nuit…).

[1] Et tellement irremplaçables qu’ils sont (aussi discrètement que légalement) les seuls épargnés par l’interdiction du bisphénol.

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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