Emmanuel Macron veut taxer les livres d’occasion ? La dernière brillante idée de l’Élysée…
Une fois de plus, Emmanuel Macron semble avoir parlé avant d’avoir même fait mine de réfléchir. Ainsi, lors de sa visite au Festival du livre de Paris, ce 12 avril, a-t-il lancé l’idée d’une taxe sur les livres d’occasion : « On va mettre en place une contribution qui puisse permettre de protéger le prix unique et permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs d’être mieux aidés. »
Pourquoi pas. Sauf qu’au ministère de la Culture, personne ne paraît avoir été prévenu de cette annonce. Pas plus qu’au sein de la filière concernée, le SLF, le Syndicat de la librairie française ou la Sofia, organisme chargé des mêmes « auteurs et traducteurs » ; lesquels, manifestement pris de court, n’ont pas encore communiqué sur cette décision jupitérienne.
De son côté, François Bayrou, haut-commissaire au Plan, est « contre » cette possible mesure. Mais il pourrait tout aussi bien être « pour » que cela n’en bousculerait pas forcément le Landernau politique. Passons. De manière plus sérieuse, de quoi s’agit-il ? D’éviter, manifestement, que des livres en état quasi neuf ne soient vendus moins cher que le neuf. Voilà qui démontre une singulière ignorance de ce marché pas tout à fait comme les autres. Car un vieux livre peut se vendre bien plus cher qu’un livre neuf. Tout dépend de sa rareté ou de sa « valeur d’estime », tel qu’on dit dans le milieu bibliophile. Laquelle peut fluctuer au rythme des modes ou des humeurs du marché.
De quoi énerver Rachida Dati…
La première qui a dû être ulcérée par cette initiative plus qu’intempestive, c’est Rachida Dati, locataire toute neuve de la rue de Valois, dont on sait bien que la lecture de ces livres donnés ou vendus à bon marché lui ont permis de s’extraire de la « culture » des cités, confiant au Parisien : « Pour ceux qui se demandent si je lis des livres, qu’ils sachent que j’y ai eu accès dans ma cité par le Bibliobus. Je n’ai pas honte de le dire. C’est cela qui explique mon combat en faveur de l’accès à la culture pour tous. »
La preuve en est que l’une des priorités de son poste consistait, justement, à « ouvrir des librairies dans les logements sociaux des quartiers populaires ».
Ce qui n’est pas exactement un luxe, sachant, à en croire les dernières enquêtes, que « les garçons ne lisent plus que douze minutes par jour, mais passent quotidiennement plus de cinq heures devant un écran ». Des statistiques qui ne doivent pas valoir que pour ces fameux « quartiers populaires », mais aussi pour d’autres « beaux quartiers »…
Mais, au-delà de cette communication permanente qui semble être devenue l’ordinaire élyséen, regardons les chiffres de plus près. À en croire le ministère de la Culture et la Sofia, « le livre d’occasion représentait, en 2022, près de 20 % des exemplaires achetés ».
Pas de quoi lapider un âne à coups de figues molles, comme on dit en Corse, sachant que le marché de l’ancien a toujours cohabité avec celui du récent, que ce soit avec ces soldeurs rachetant les stocks d’invendus ou ces bouquinistes spécialisés dans le commerce de la seconde main. Quant aux droits des auteurs, ne rêvons pas, les éditeurs ne leur accordant que 5 % de droits sur le prix de vente, tandis que dans le même temps, les à-valoir se réduisent comme peau de chagrin. Ce n’est donc pas le pourboire qu’ils pourraient éventuellement toucher sur la vente de leurs invendus qui devrait venir bouleverser leur triste sort.
Une parfaite ignorance des milieux de l’édition…
Ce que nous confirme une libraire des Yvelines, ne désirant pas être nommément citée : « Ces propos présidentiels, manifestement tenus à l’emporte-pièce, me laisse pantoise. Nous, aussi, voudrions bien vendre des livres d’occasion afin de permettre aux plus modestes de nos concitoyens d’accéder à ces livres vendus de plus en plus chers, hausse du papier oblige. Seulement voilà, il n’existe pas le moindre cadre législatif censé nous permettre d’exercer cette activité. »
On notera que le SLF, Syndicat des libraires auquel elle est affiliée, a déjà devancé l’appel, ayant déjà collecté 22.000 livres gracieusement distribués aux plus démunis. Et notre interlocutrice d’ajouter : « Il semble que cette annonce pour le moins confuse puisse concerner les sites de vente en lignes, l’Américain Amazon au premier chef. Lequel a déjà refusé cette réflexion sur l’accès à la culture pour tous, depuis longtemps initiée au sein de notre corporation et à laquelle des enseignes telles que la FNAC s’est déjà associée. Mais il est vrai que des mastodontes tels qu’Amazon refusent tout, par principe. »
Ensuite, on pourra se poser la question consistant à tenter de comprendre pourquoi, en cette période de recyclage lancée par l’Élysée, il faut absolument redonner une seconde vie à tous les objets, des cafetières jusqu’aux chaussettes, alors que les livres seraient les seuls exclus de cette spirale donnée pour vertueuse ? Comme quoi les contradictions d’Emmanuel Macron parviennent à se nicher en des endroits les plus inattendus. Direction le pilon, tel qu’on dit dans l’édition ? Là où sont réduits en miettes tout ce qui est trop mauvais pour même être soldé ? Ça peut éventuellement commencer à y ressembler.
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72 commentaires
Cela fait longtemps que je serai privé de lecture si je n’avais pas recours aux livres d’occasions. Mais il faut toujours dépecer ceux qui ont déjà si peu, n’est-ce-pas Monsieur le ? Surtout lorsque l’on ne manque de rien soi-même. Ah vraiment il y a des jours où je me demande pourquoi je suis français. Surtout quand on constate que celui qui a été élu pour servir le pays et ses concitoyens est un individu sans foi ni loi. Parce que je regrette, mais avoir de telles pensées montre un réel manque d’humanité. Il arrive encore à se raser et se regarder dans le miroir le matin, ce triste sire ?