Emmanuel Macron, le Marcel Proust de la politique française ?

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La semaine dernière, dans un entretien à TV5 Monde, André Santini, le très gouailleur maire d’Issy-les-Moulineaux, déclarait à propos d’Emmanuel Macron : « Comme disait un berger corse, il est instruit mais pas intelligent. » Un peu facile, comme remarque, non ? Populiste, même ! Et pourtant, à bien y réfléchir…

Emmanuel Macron a-t-il l’intelligence tant du cœur que de situation que l’on attend d’un chef ? Ainsi, est-il bien intelligent de tweeter à une dame de 73 ans qu’elle devrait veiller, à l’avenir, à être un peu plus sage ? Lui souhaiter un prompt rétablissement n’était-il pas suffisant ? Mieux, peut-être, lorsqu’on est président de la République et pas président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, ne rien dire du tout. Cette manie d’enfant gâté de toujours vouloir avoir le dernier mot, est-ce bien intelligent ? De même, affirmer, lors du grand débat, qu’il ne peut y avoir de violences policières parce que nous sommes dans un État de droit, est-ce bien intelligent, lorsqu’au même moment, sur les réseaux sociaux, circulent des images qui font douter, même chez les plus inconditionnels défenseurs de l’ordre ? « Ne parlez pas de “répression” ou de violences “policières”, ces mots sont inacceptables dans un État de droit », déclarait, le 7 mars dernier, Emmanuel Macron. En prononçant ces mots, le Président, percevant probablement un léger malaise dans l’auditoire, eut une petite lueur et, du coup, reconnut qu’il y avait peut-être eu des « bêtises ». Dans un État de droit, est-ce les mots ou les actes qui sont inacceptables ? D'ailleurs, on dit comment, « bêtises », en Code pénal ? Curieuse façon de se réfugier derrière les mots.

Curieuse formulation, donc, mais peut-être très révélatrice. À défaut de ne pas être intelligent, comme le pense notre berger corse d’Issy-les-Moulineaux, Emmanuel Macron n’est-il pas doté d’une intelligence, disons, inadaptée ? En clair, vit-il dans le monde réel ? N’habite-t-il pas dans un autre monde, celui des mots et non celui de la réalité ? Ne sommes nous pas en face d’une sorte de Marcel Proust de la politique ? L’écrivain reclus dans sa chambre aux rideaux fermés et aux murs tapissés de panneaux de liège pour amortir les bruits du dehors s’inventait un autre univers, un autre monde qu’il couchait sur le papier avec génie. Certes, pour l’instant, il faut bien l’avouer, l’œuvre créatrice d’Emmanuel Macron ne s’est pas révélée au public avec évidence. La loi sur les autocars, offerte naguère aux pauvres pour qu’ils s’en aillent voyager dans le Haut-Poitou et à bas coût, était une sorte d’essai de jeunesse sans grand souffle, un peu court pour crier au génie. Et pourtant, c’est ce que l’on entendit lorsqu’il fut candidat, non pas au Goncourt mais à la présidence.

Vous me direz que cette comparaison avec Proust ne tient pas la route. Macron ne s’enferme pas toute la sainte journée dans sa chambre calfeutrée de liège. Certes, on nous révèle ces jours-ci qu’un certain 8 décembre apocalyptique, il faillit se barricader dans son bunker entouré de son carré de fidèles. Mais, depuis, il a fait le tour de France. A vu des vraies gens de la vraie vie. Il a impressionné la galerie avec sa connaissance des dossiers. Comme aurait dit Jean d’Ormesson, il a été épatant. Faut le reconnaître. La connaissance des dossiers ! Les membres des cabinets ministériels connaissent à fond leurs dossiers, eux aussi. Un dossier : un tas de feuilles, bien empilées comme il faut, avec tout plein de mots. Mais ça ne fait pas À la recherche du temps perdu. Ça ne permet pas, non plus, de connaître le berger corse, ou d’ailleurs.

« Il est instruit mais pas intelligent » : comme beaucoup de dossiers…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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