L’hyménoplastie, une mode française ?

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Lorsqu’un magazine évoque l’année du Tigre, du Rat ou du Cochon et les festivités auxquelles elle peut donner lieu, dans le XIIIe arrondissement de Paris notamment, les journalistes, évidemment, n’illustrent pas leur propos avec deux paysans aveyronnais réveillonnant au retour de la messe de Minuit. Ils essaient de trouver une photo adaptée avec, par exemple, des lanternes et des dragons en papier. Ils osent même lâcher le mot « chinois », ayant remarqué, parce qu’ils sont perspicaces, que ces coutumes étaient importées.

Gageons que si, dans ce quartier, la mode des petits-pieds-serrés se répandait, on serait capable de poser et d’exposer calmement, sans que personne ne s’énerve ni ne se vexe, l’hypothèse d’une explication culturelle.

Pourquoi ce qui est dicible pour cette population-ci est indicible pour cette population-là ?

En écho au magazine Elle qui en a fait un dossier, RTL évoque le sujet de l'« hyménoplastie ».

« Mariage : de plus en plus de Françaises se font opérer pour redevenir vierges », tel est le titre. L’illustration montre un couple de jeunes mariés semblant droit sortis de Saint-Sulpice. À croire que la mode de l’hyménoplastie est tombée du ciel, comme une sorte d’EVNI : engouement volant non identifié.

Pour tenter d’en savoir plus, on a interviewé un anthropologue, qui a sa petite idée sur la question : ce qui « est probablement à l’origine de cette nouvelle tendance », c’est… « le recul de l’âge du mariage » : « Aujourd’hui en France, une Française se marie en moyenne à 36 ans. »

Et l’anthropologue de couper court aussitôt à la question qu’on ne lui a pas posée : « On croit à tort que cela ne concerne que certains milieux populaires et rigoristes, mais non. L’impératif de virginité est aussi présent chez les avocats, les médecins et les universitaires. »

Et il n’y a donc pas d’autre dénominateur commun entre les candidates à l’hyménoplastie, qu’elles se marient tard ou pas, qu’elles soient issues d’un milieu populaire, rigoriste, ou bien au contraire universitaire aisé ? Il n’y a aucune autre raison, vraiment, pour ce nombre croissant et l’expansion de « ce marché de la virginité florissant » que l’âge désormais tardif pour convoler en justes noces en France ? L’anthropologue ne le dit pas. La journaliste non plus. Un ange passe…

« Parmi ces femmes », cependant, on cite l'exemple de « Myriam » qui, confie-t-elle,  »n’avait pas le choix, c’est la tradition », et qui a dû débourser 2.500 euros car « dans sa famille musulmane et pourtant peu pratiquante, il est demandé aux femmes d’être vierges le jour de leur mariage ». Mais sans doute est-ce une coïncidence. Comme il est sans doute fortuit que, « selon le magazine Elle, il existe désormais des tours-opérateurs qui proposent des pack tout inclus : 750 euros pour l’opération, le billet d’avion et la nuit d’hôtel en Tunisie ». Pourquoi la Tunisie ? Mystère. À aucun moment l’hypothèse n’est posée qu’il pourrait y avoir un lien entre l’augmentation de ce type d’opération et l’immigration, que peut-être cette curieuse intervention fait partie de ces usages point trop « conformes à notre civilité », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron ?

On pourrait appeler cela le journalisme circulaire : tourner autour du sujet sans jamais l’aborder. Ni même le frôler. Cela donne le vertige au lecteur… et finit par le faire douter de l’honnêteté de ceux qui le font ainsi penser en rond. Et ce n'est pas bon, on en conviendra, pour le crédit déjà émoussé que l'on prête à la profession.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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