Élections régionales espagnoles : Vox dans la cour des grands ?

Santiago Abascal

Mini-tremblement de terre en Espagne, dans la province de Castille et Leon. Ce week-end avait lieu l’élection législative régionale anticipée dans la province la plus étendue d’Espagne, fief du Parti populaire (PP) depuis trente-cinq ans. Alfonso Fernández Mañueco, le président sortant de la région, espérait obtenir la majorité absolue pour gouverner sans alliés. Objectif non atteint, les chiffres sont sans appel : le PP obtient 31 sièges (31,4 % des voix), le Parti socialiste espagnol (PSOE, parti du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez) 28 sièges (30 %) et… la droite identitaire de Vox 13 sièges (17,6 %), contre un seul dans la précédente assemblée. Le parti centriste libéral Ciudadanos, avec lequel le PP gouvernait cette province jusque-là, passe de 12 sièges à un seul.

Pour la première fois, Vox, le parti de Santiago Abascal créé en 2013, est en position d’arbitre pour la constitution d’un gouvernement régional espagnol. Cette droite décomplexée soutient déjà le PP en Andalousie comme dans la région de Madrid : un appui externe, sans participation directe au gouvernement.

Cette fois-ci, la donne change.

Dès la publication des résultats, Santiago Abascal a fait savoir qu’un soutien de son parti à l’exécutif régional PP signifiait aujourd’hui une alliance effective de gouvernement : « Vox a le droit et le devoir de faire partie du gouvernement de Castille et Leon […] nous n’allons soutenir aucun gouvernement gratuitement » (Europa Press). Il réclame aujourd’hui la vice-présidence de la région et conditionne le vote de ses députés à l’investiture de la nouvelle junte à cela. Clairement, le parti de Santiago Abascal, en nette progression, entend enfin montrer qu’il est tout aussi capable de gouverner que le centre droit du PP.

Quels enseignements tirer de ces résultats ?

Tout d’abord, l’effervescence qui règne au Parti populaire depuis le week-end dernier montre bien que pour ce parti, et surtout pour son actuel dirigeant, Pablo Casado, cette élection est une forme de revers. En interne, certains critiquent déjà sa ligne de recentrage : lui qui n’a pas de mots assez durs pour fustiger « le populisme » de Vox a tenté, malgré diverses expériences de coopération locale, de créer ce fameux cordon sanitaire que nous connaissons bien chez nous. Mauvais timing, pourrait-on dire. La recomposition de la droite partout en Europe qui est en cours depuis plusieurs années montre à quel point ce calcul est mauvais. Accepter, comme ligne de conduite politique, de suivre le diktat moral de la gauche qui prétend édicter des interdits en termes d’alliance, c’est concourir à sa propre perte en semant la confusion dans l’électorat. En France, le spectacle donné par le parti LR dans la campagne présidentielle montre l’aboutissement de cette logique et la faillite politique qu’elle engendre.

Par ailleurs, au sein de son parti, Pablo Casado a une rivale de taille : Isabel Díaz Ayuso, jeune femme qu’il a lui-même mise en selle, en espérant pouvoir la contrôler. Or, celle-ci vient, en 2021, de remporter triomphalement les élections régionales à Madrid, ayant fait une campagne ancrée franchement à droite avec, pour toile de fond, une gestion de la crise sanitaire respectueuse des libertés, refusant d’imposer des restrictions trop strictes. Et elle gouverne avec le soutien de Vox. Elle incarne au PP la tendance d’une droite sans complexe, refusant la soumission à une quelconque hégémonie culturelle de la gauche. Elle vient d’ailleurs de demander à Alfonso Fernández Mañueco d’accepter de gouverner avec Vox en Castille et Leon, de « s’attacher à ce qui unit » car « nous nous moquons de ce que la gauche pense de nos pactes ».

Il ne semble pas, pour l’instant, qu’elle soit écoutée, Mañueco préférant, pour le moment, un retour aux urnes plutôt que faire entrer Vox dans son gouvernement. Le PSOE, le Parti socialiste espagnol, s’est même montré disposé à s’abstenir lors du vote d’investiture de la région plutôt que de voter contre, afin de neutraliser Vox. Le PP ne devrait alors son investiture qu’au coup de pouce de la gauche. Deux lignes politiques s’affrontent donc au PP, celle du pragmatisme et du « pas d’ennemi à droite » d’Isabel Diaz Ayuso, et la ligne de l’actuel patron du PP qui ne veut pas gouverner avec une droite jugée extrême.

Rappelons que Vox est né d’une scission avec le PP…

Comme ailleurs en Europe, et singulièrement en France, la droite traditionnelle, en se déportant vers le centre, a entamé sa descente aux enfers. Isabel Ayuso en est consciente et, fine tacticienne, tend la main à Vox. Au prochain congrès de PP, sa ligne l’emportera-t-elle ?

Ce qui est aujourd’hui certain, c’est que le parti de Santiago Abascal est en train d’accélérer la recomposition politique espagnole.

Illustration : Santiago Abascal

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Hier soir en fin de show BFM TV, MLP a dit sa préférence pour « le Septennat avec la proportionnelle »! Personne n’a relevé….
    Pour moi ce serait, de plus, avec le retour au suffrage indirect soit comme en 1958, ce qui de surcroît ferait disparaître la collusion entre instituts de sondages et Médias pour lesquels les années de présidentielle doivent être pavées d’or….que nous payons avec le coût des pubs des voitures et autres achats!

  2. De l’Atlantique à l’Oural les européens en ont plus que marre de se faire envahir par les illuminés des sables, la reconquête est en marche, ne la laissons pas faiblir.

  3. Le gvt du premier-ministre socialiste espagnol Sánchez dirige le pays depuis plusieurs années avec l’appui indispensable de Únidos Podemos, extrême-gauche radicale ( Vice-Présidence, tout-de-même !), des gauchistes indépendantistes catalans d’ERC, et du parti basque indépendantiste Bildú, vitrine politique de la tristement célèbre organisation indépendantiste terroriste ETA… Que du beau monde ! Et le PP de Casado, tendance dhimmie, n’y trouve rien à redire et à combattre !

  4. C’est ce qu’a stoppé Chirac avec son Cartel de 86-88 à savoir l’UMPS suite à la frousse des 35 députés FN…..finie la proportionnelle sur programme commun PS-PC!
    Pour le grand malheur de la France! Santiago Abascal est secondé par une femme énergique, elle….;

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois