Élections allemandes : les négociations entre les partis risquent d’être longues
4 minutes de lecture
Pour la première fois depuis 16 ans, le SPD a remporté l’élection du Bundestag, avec 25,7 % des voix. Olaf Scholz, candidat du SPD, était présenté il n’y a même pas six mois comme le futur grand perdant de cette élection. Il a su profiter des bévues et maladresse des Verts et d’Armin Laschet, dauphin de Merkel. Mais cette victoire est en demi-teinte : le Parlement est largement divisé entre les partis, ce qui obligera la formation d’un gouvernement de coalition. Les négociations risquent d’être longues et importantes, les deux grands partis - l'héritier de Merkel et les socialistes du SPD - n’ayant qu’un écart de dix sièges.
Étant donné la configuration du parlement, le SPD et la CDU devront s’efforcer de former une coalition composée de trois partis. Ce type de coalition n’avait pas vu le jour en Allemagne depuis les années 50. Les négociations seront donc particulièrement longues et compliquées. En 2017, Merkel avait mis six mois à former une coalition, alors qu’elle n’était composée que de deux partis. Cette période pourrait donner lieu à une certaine instabilité, non seulement en Allemagne mais également en Europe. « S'il n’y a pas d’accord en février, il n’y aura pas de grande décision en Europe jusqu’en juillet 2022. Il faudra laisser passer la présidentielle et les législatives françaises », indiquait Paul Maurice, de l’IFRI.
Plusieurs scénarios sont possibles. Dans tous, les Vert feront office de faiseur de roi. Le SDP, majoritaire, pourrait rechercher l’alliance des Verts et des libéraux (FDP). Mais le CDU pourrait, en faisant de larges concessions, également obtenir le soutien des Verts ou des libéraux. Les Verts seraient plus susceptibles de se tourner vers le SPD quand les libéraux sont plus proches du CDU. Toutefois, selon un sondage YouGov, les électeurs seraient plutôt favorables à une coalition SPD-Verts-FDP. Or, une coalition incluant les Verts et les libéraux reviendrait à ménager la chèvre et le chou ; il n’est donc pas exclu que le SPD se tourne plutôt vers l’extrême gauche avec Die Linke. Olaf Scholz n’est pas fermé à cette hypothèse, comme il l’a déjà déclaré.
En premier lieu, l’entrée des libéraux au gouvernement entraînerait un retour à l’orthodoxie budgétaire avec une renégociation du Pacte de stabilité. Les Verts veulent mener une politique sociale et ne veulent donc pas limiter ce développement par des règles budgétaires trop strictes. Ils souhaitent ainsi une révision des règles budgétaires européennes. D’un autre côté, les libéraux souhaitent un retour à une orthodoxie budgétaire stricte en opposition avec le plan de relance européen de 750 milliards d’euros et la suspension des règles de limitation de la dette et du déficit publics. Cette opposition de principe entre les deux partis rendrait compliquée une coalition avec le SPD, qui n’est pas hostile à l’emprunt et à la flexibilité budgétaire.
La crise des sous-marins a remis sur le devant de la scène l’urgence d’une autonomie stratégique européenne. Emmanuel Macron attend particulièrement le futur chancelier sur ce sujet. L’objectif est de redonner à l’Union européenne des compétences en défense lui permettant de s’émanciper des États-Unis, tout en lui donnant une vraie vision géostratégique. Le SPD et la CDU sont tous deux conscients de l’importance de ce nouvel objectif pour l’Europe. Le CDU semble cependant plus avancé dans ce domaine, Armin Laschet ayant déjà proposé de former un service de renseignements européen, ce qui serait un pas de géant pour l’UE et une véritable amputation de la souveraineté des États. Seul Die Linke pourrait proposer une véritable rupture en voulant sortir de l’OTAN et interdire toutes les opérations extérieures de l’armée. Cependant, Olaf Scholz y est fermement opposé.
Un autre point de clivage est la relation de l’Allemagne vis-à-vis de la Chine et de la Russie. Ainsi, le SPD souhaite approfondir les relations de l’Allemagne avec la Russie tout en restant ouvert à la Chine. Ce point est en accord avec Die Linke mais aux antipodes du programme des Verts. La CDU, quant à elle, ne veut pas se rapprocher de la Russie mais refuse catégoriquement de s’éloigner de la Chine. Il est donc probable que la politique européenne n’évolue pas sur la question russe ou sur la question chinoise à l’avenir. En effet, l’aspect commercial demeure le plus important tant pour le SPD que la CDU, ce qui implique de préserver des relations apaisées avec ses partenaires commerciaux.
Thématiques :
élections