EHPAD : les larmes de crocodile de Bruno Le Maire n’absoudront pas le vrai coupable : l’État

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Ah, les méchants capitalistes, ouh, les vilains riches qui essorent nos anciens ! À son tour, Bruno Le Maire est tombé, le 8 février, sur France Inter, dans le panneau tendu par la gauche et l’extrême gauche depuis le lancement de cette affaire. « C’est absolument révoltant, assure, la main sur le cœur, le ministre de l’Économie. Que l’on puisse se faire de l’argent indûment sur le dos des personnes les plus fragiles en les trompant, en exploitant leurs faiblesses, il n’y a rien de plus révoltant. » Voilà un révolté bien suiviste. Dans ces maisons, les patrons ne pensent qu’à serrer les coûts des pensionnaires pour maximiser les profits des actionnaires, assurent les bien-pensants. Le privé, l’argent, les riches, tel est le mal. Mais voilà, le capitalisme est-il le vrai problème des EHPAD ? Et l’État est-il la solution ?

L’auteur du livre Les Fossoyeurs (Fayard) à l’origine de la polémique ne va pas en ce sens : « Je ne veux pas mettre tous les groupes privés dans le même panier, expliquait Victor Castanet, le 30 janvier, au quotidien Sud-Ouest. L’enquête de mon livre, qui contient plus de 250 témoignages, est concentrée sur le groupe ORPEA, qui est le leader mondial. Et dans ce groupe, il y a eu un certain nombre de dérives graves qui ont eu des conséquences directes sur la qualité de la prise en charge des pensionnaires et sur les conditions de travail des salariés. Je n’ai donc pas enquêté sur d’autres groupes privés et je dois dire que j’ai des informations très positives sur plusieurs d’entre eux. »

Victor Castanet parle d’or, car les chiffres, qu’on lit vraiment très peu dans cette affaire, sont imparables : en mai 2021, le Défenseur des droits, chargé par l’État de recevoir et de traiter les plaintes contre les EHPAD, notait que « 45 % des dossiers concernaient un EHPAD à statut public, 30 % des dossiers concernaient un EHPAD privé associatif et 25 % d’entre eux concernaient un EHPAD privé commercial ». 25 % seulement ! Les maisons de retraite publiques ne sont donc pas plus vertueuses : la répartition des dossiers de plaintes reflète en réalité précisément celle des EHPAD, puisque la France compte 44 % d’EHPAD publics, 31 % d’EHPAD privés associatifs et, donc, 25 % d’EHPAD relevant du statut privé commercial, selon Le Monde (chiffres 2016).

Il est donc faux de dire que l’appât du gain est à la racine du problème des EHPAD et que l’arrivée de l’État et de ses gros souliers administratifs apportera la solution. Au contraire, dans cette affaire, s’il y a un coupable, c’est bien… l’État. Qui aurait dû se charger de mettre en place des contrôles de la qualité de vie des résidents et non pas seulement des vérifications techniques et parcellaires de nourriture, ménage, incendie, etc., totalement inefficaces sur le fond. Gilbert Collard l’a relevé.

Cet État obèse veut tout gérer, multiplie les paperasses et les tracasseries tatillonnes et ne voit finalement pas l’éléphant dans le couloir : le bien-être des résidents. La sonnette d’alarme sur ce sujet sensible a été tirée bien des fois, mais Macron a tout misé sur la jeunesse et les banlieues. Tant pis pour « Papi et Mamie », comme disait Jean Castex. Pourtant, un pays qui néglige ses enfants par une éducation abandonnée aux désastres du pédagogisme et ses anciens parce qu’ils ne sont jamais prioritaires est-il encore un pays civilisé ?

Le temps où ils vieillissaient doucement dans les familles, accomplissant de menus travaux, lisant ou cousant, est bien passé. L’époque moderne si orgueilleuse ne leur fait pas de cadeaux. Ils tenaient l’Histoire, la tradition, la conciliation des familles. Ils sont passés au stade de rebut de la société de consommation post-soixante-huitarde. Le progrès autoproclamé fait vivre aux aînés une régression civilisationnelle historique. Et Macron, qui s’est voulu l’incarnation de la jeunesse et lui a donné tant de signes de connivence, Macron qui n’a rien fait pour l’âge de la sagesse, de l'expérience, de la douceur et du repos bien mérité, représente jusqu’à la caricature l’oubli d’une société à la fois cruelle et donneuse de leçons. Les larmes de crocodile de Bruno Le Maire sont malvenues.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Un autre avis… surtout ne pas oublier que tout à l’heure, demain, après demain, nous serons le « vieux » la « vieille » de chacun… Et nous recevrons alors, en attentions, ce que nous aurons reçus en modèle d’éducation… Ce ne sont pas les discours qui forment et éduquent ce sont les exemples que les enfants adoptent ! Et c’est avec délices qu’ils s’empressent  » de faire ce que vous faites et non ce que vous dites » ! Les paroles s’envolent… les faits demeurent. Grande expérience enfantine…

  2. Une chose d’entrée serait – parmi d’autres nombreuses – que la facture présente exactement ce qu’elle est et non un seul global. Ce global recouvre, une part de loyer, une part du salaire d’une fraction de personnel, une part de celui du directeur… etc. Pourquoi, cela ne figure pas en clair, poste par poste, comme il en figure ensuite pour les EHPAD en régie, au bordereau du Trésor Public, qui décante l’ensemble avant répartition, et qui rend la vérification des règlements complexe ensuite ?

  3. En plus de ce qui est écrit, vous n’éviterez pas ces faits : référence des résidents parce qu’un membre de sa famille est bénévole dans l’ établissement. Beaucoup de visites de médecins que l’on découvre sur les relevés ss etc… Et surtout, vous ne pouvez pas vous plaindre car c’est votre parent qui en fera les frais. Et j’en passe….

  4. Quand on voit la publicité pour investir dans des maisons de retraite privées avec promesse de forte rentabilité, on doute un peu en pensant qu’elles pratiquent des tarifs élevés mais on n’imagine pas ces mauvais traitements. Maintenant on comprend mieux.
    L’Etat doit se méfier des rentabilités boursières extraordinaires comme se pourrait être le cas de futurs fonds de pension à la française.

  5. Les EHPAD c’est un peu comme les hôpitaux, le gouvernement n’y songe pas, ce n’est pas une priorité, comme ils ont coutume de dire.
    La première préoccupation de macron , une fois élu, a été de demander un projet à Bayrou pour la politique de la ville, très important la politique de la ville, et puis, les droits des LGBT, très important les droits des LGBT.

    • Bien oui, mais c’est ça l’état de droit qui neutralise l’imputabilité. Procès, délais ad infinitum.

  6. De prime abord et dès le début, le seul et unique responsable est l’Etat qui n’assure plus ou très mal ses missions d’encadrement, de contrôle et de suivi, sauf dans un domaine le fisc .

  7. Cette situation lamentable est due à la France car l’État est totalement responsable puisque cela se passe chez nous et de plus, même ,dans des établissements d’état, le comble, mais quand on voit l’hôpital alors pour les vieux que peut on attendre de mieux !!!!

    • C’est nous qui avons voté pour que l’état prenne soin de nos vieux. Nous avons abdiqué notre responsabilité.

  8. A partir du moment où il y a des actionnaires,c’est le profit qui décide et tant pis pour nos anciens !
    Le niveau civilisé d’un pays peut se juger à la manière dont il traite ses animaux disait Gandhi ; on peut également transposer cette citation à nos anciens !!!

  9. Le quinquennat se termine comme il a commencé. Souvenons-nous que Macron a été élu avec le vote d’une grande partie des retraités; souvenons-nous aussi que les premiers à subir sa politique furent ces mêmes retraités à qui on imposa immédiatement une hausse de la CSG et un « bashing » anti-vieux sans précédent. Aujourd’hui tout le monde tombe des nues, il est grand temps que nous nous réveillons enfin.

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