Édouard Philippe, ou l’art du contre-feu d’Emmanuel Macron !
Dans la lutte contre les incendies, comme actuellement en Australie, une des armes les plus efficaces est celle du « contre-feu ». Cette technique prive le foyer majeur de combustible et le stoppe, au moins momentanément, dans sa progression. Cela marche tout le temps et le pouvoir macronien ne méconnaît pas ce moyen.
Dans le combat pour imposer sa réforme du système de retraite dont il a fait son objectif emblématique, et le seul, probablement, qu'il entende faire aboutir sans coup de force, c'est-à-dire sans avoir recours au moyen des ordonnances, le Président jupitérien a lancé son collaborateur privilégié avec la mission d'aboutir à un « compromis rapide ». Édouard Philippe, son contre-feu naturel dans le jeu des institutions de la Ve République verrouillées par le quinquennat, avait anticipé, peut-être en concertation, voire par délégation, en incluant, à la surprise de beaucoup, une mesure financière dans le projet de modification systémique du futur régime des retraites, dit universel à points. Écran de fumée ?
Pendant des semaines, l'ordonnateur des « négociations » s'est accroché à l'« âge pivot » comme si sa vie en dépendait. Ce faisant, il s'est fabriqué le pire opposant imaginable en la personne de son meilleur allié social de la veille, le Berger de la CFDT. Celui-ci menaçait de tout faire capoter, faute d'obtenir raison. Tous les autres, les véritables adversaires de cette réforme, devenaient de simples comparses dans les réunions. Tout ne tenait plus qu'à cette âge qu'on dit « pivot » ou « d'équilibre » en fonction de ses propres inclinations sémantiques.
Au moment où tout semblait bloqué, le parangon orthodoxe des équilibres financiers accepta de plier (fit mine de céder), au moins momentanément sur ce point rédhibitoire.
Cette décision aurait trois avantages aux yeux du pouvoir.
Le premier, et il est décisif pour Emmanuel Macron, est que, désormais, plus rien ne s'oppose à ce que le projet initial soit présenté en Conseil des ministres puis validé par une chambre d'enregistrement qui s'appelle encore le Parlement. Il aura, ainsi, beau jeu de prétendre valider ses promesses, même si ces ratifications sont faites à coûts exorbitants, en contradiction avec ses engagements de réduction des déficits.
Le deuxième est qu'Édouard Philippe et le gouvernement vont désormais paraître (c'est, en tout cas, leur espoir) comme des modèles de négociateurs sociaux qui écoutent, discutent et s'amendent. Or, si l'on veut bien observer les choses telles qu'elles se sont réellement produites, la loi Macron n'aura enregistré aucun aménagement, à de modestes exceptions près comme le maintien de quelques régimes spéciaux qu'il qualifiera sans doute de particuliers... si l'on comprend que l'histoire du « pivot d'équilibre » n'était qu'un leurre.
Une troisième aubaine pour le gouvernement est que l'action syndicale, dans son ensemble, perdra évidemment en crédibilité pour s'être laissée enfumer pour une partie, et pour avoir perdu sur l'essentiel, pour une autre partie. S'en remettra-t-elle ? La question reste posée.
Les vrais perdants, dans l'histoire, n'auront pas conscience de leur défaite avant longtemps et à une époque où les responsables du fiasco vivront eux-mêmes leur régime de retraite protégée, voire très spécifique, à l'inverse de celui du commun.
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