[EDITO] Ce crime impuni, contre l’honneur paysan

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Le bon sens paysan n’est pas mort, il revient en force. Sur son tracteur, un agriculteur a écrit en toutes lettres : « N’importons pas ce qu’on interdit en France. » Un autre a accroché, à l’avant, un mot similaire : « N’importons pas l’agriculture que nous ne voulons pas. » Un autre revendique simplement : « Agriculteur, je veux vivre de mon métier. » Mention spéciale pour cette adresse aux mondialistes fanatiques : « De leur rêve, on en crève. »

Ils sont le visage de la France, les héritiers de ceux qui travaillent nos terres depuis des siècles, les vigies du « labourage » et du « pâturage » que chérissait le grand Sully, plus lucide que nos gouvernants. Pour un fils d’agriculteur-éleveur, comme celui qui signe ces lignes, l’étranglement de cette profession d’hommes libres a un sens particulier. Car ces derniers incarnent la France du « non », la France qui résiste aux aberrations des réglementations imposées par l’Europe, aux traités signés par l’UE dans lesquels l’agriculture – l’élevage, en particulier - joue systématiquement la variable d’ajustement, du non aux quotas imposés par les fonctionnaires européens, aux importations massives qu’ils permettent.

Le monde du textile, puis celui de l’acier, puis désormais celui de l’automobile, entre autres, ont cédé sous les coups de boutoir de la mondialisation forcée. Les paysans, eux, tiennent tête. Ils font la course contre un univers entier affamé de parts de marché en France, mais quand leurs concurrents courent en short, les nôtres participent au 100 mètres… en bottes de ferme ! Des bottes emplies des lourdes tracasseries que produit à jets continus notre administration dans une concurrence morbide et sans fin avec l’administration européenne : main-d’œuvre, normes, taxes, faux frais, coûts des intrants - tout est plus cher qu’ailleurs. Résultat : sur les étals, les Français boudent les produits de leur terroir pour préférer ceux qui viennent d’autres pays - question de pouvoir d'achat. Comment les blâmer ?

Du deuxième au sixième rang

Cet univers agricole paralysé, ce monde dur au mal et amoureux de son indépendance, on le maintient artificiellement, on le subventionne, contre son gré. « Les subventions d’exploitation versées en 2021 représentent en moyenne 38 % de l’EBE (excédent brut d’exploitation) pour les bénéficiaires, explique benoîtement l’INSEE. Sans subvention, 18 % des exploitations auraient un EBE négatif. ».

Pas un paysan ne se satisfait de ce système : tous demandent des prix honnêtes, à la hauteur de la qualité fournie. Le résultat des technocrates mondialistes et européistes qui « pensent » l’agriculture est brillant. Alors que la Suisse entretient une agriculture plutôt prospère, la France tombe. En l’an 2000, l’Hexagone était encore au deuxième rang des pays exportateurs de produits agricoles dans le monde, avec près de 8 % de parts de marché. Le pays de Sully n’est plus qu’au sixième rang, en 2023, avec 4,5 % de parts de marché. Selon les douanes françaises, « le solde agricole reste excédentaire, mais à un niveau près de quatre fois moindre qu'en 2022 (1,2 milliard d'euros, contre 4,8 milliards en 2022) ».

L’agriculture meurt parce que ceux qui nous gouvernent au sommet de l’État et au sommet de l’Europe la considèrent comme une branche négligeable de l’économie. L’agriculture, combien d’emplois ? Sauf que l’agriculture, c’est plus de la moitié de la superficie de la France (28 millions d’hectares sur 55 millions), c'est la survie de villes et de villages, l’emploi de dizaines de professions connexes (maçons, couvreurs, vendeurs d’aliments, de matériel agricole, etc.) et, accessoirement, un enjeu évident et majeur de souveraineté. Il faut donc poser la question. Qui a acculé nos agriculteurs à se battre pour leur survie financière ? Qui a fait de la ferme France, enviée comme l’étaient nos centrales nucléaires, ce radeau de la Méduse étranglé par une mondialisation qui fera la peau du dernier des paysans français ?

« Le sentiment du patrimoine »

Les politiques doivent prendre leur part, notamment ceux qui, soigneusement installés dans les bureaux chauffés de la Commission européenne, à l’abri de salaires confortables, ont transformé un métier de liberté farouche en cet enfer administratif, chargé de misère financière et morale. Au passage, ces technocrates étouffent l’âme de la France, car le paysan n'est pas un travailleur interchangeable comme les autres.

« Cette idée d’un bien à sauver et à transmettre est à la base du code d’honneur paysan, écrivait le philosophe paysan Gustave Thibon, dans Paysages du Vivarais. Elle s’oppose à toutes les tentations de l’individualisme : l’homme, anneau dans une chaîne, sent obscurément qu’il doit résister jusqu’au bout pour que la chaîne ne se brise pas. C’est cet instinct de continuité qui courbe jusqu’à la mort le vieux paysan sur la terre et lui inspire cette horreur quasi physique de tomber à la charge de ses enfants ou de ses proches. Et c’est de lui que procède aussi ce savoir-vivre dont la délicatesse et la profondeur débordent à l’infini le savoir-faire. Tout dans la conduite de l’existence, depuis le menu quotidien jusqu’au choix d’une épouse, est dominé par ce sentiment du patrimoine qui, comme le flambeau ambulant des coureurs antiques, lie l’individu à son rang et le transporte au-delà de lui-même. » Mais l'honneur paysan, sa délicatesse, sa profondeur, ce sentiment du patrimoine, tout cela a dû échapper à Emmanuel Macron, Pascal Canfin et Ursula von der Leyen.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/11/2024 à 22:14.
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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

50 commentaires

  1. La Suisse s’en sort très bien car elle n’est pas dans l’UE , conclusion , sortons vite de ce carcan avant qu’il ne soit trop tard . Soutien appuyé aux agriculteurs .

  2. Si il y a en France (comme dans tout autre pays) 3 ministères qui devraient être majoritairement exemplaires en souveraineté face à l’UE, ce sont bien ceux de l’agriculture, de la santé et de la sécurité publique.
    Concernant l’agriculture, on connaît parfaitement les objectifs de la mondialisation : détruire, faire peu à peu disparaître les petites exploitations aux profits des fermes usines gérées par les plus grands lobbyistes internationaux (cf les USA)
    Nos députés sont-ils vraiment conscients de tout ce qui se trame derrière leurs dos (soumis, courbés) ?
    Faudra-t’il attendre que les frigos de nos ménagères soient vides pour être complètement solidaires (fourches à l’appui !) de nos paysans protecteurs de la terre et nourriciers de nos vies ?
    Je suis hélas, trop vieux pour aller brûler des pneus avec eux devant les préfectures. Mais tout mon cœur se joint à mes pensées de respect, d’encouragement et de solidarité à leur vaillant combat.

  3. Sous Vichy – j’ai eu le document sous les yeux – et bien sûr auparavant, et peut-être après jusqu’à la création du Marché commun, un « paysan » faisait une fois par un une déclaration qui tenait sur une feuille genre A4 recto-verso : tout y était : surfaces (en propriété, en location) cultivées production par production, nombres de bêtes au 1er janvier, nbre de bêtes vendues en cours d’année, nombre total au 31 décembre… Déclaration sur l’honneur ! Et cela représentait une soirée pour remplir le formulaire… Sinon, pas de solution hors du localisme, les maires font-ils tous le nécessaire pour que les cantines soient approvisionnées dans les limites de leur petit « pays », les associations et clubs qui organisent des manifestations sont-ils assez exigeants avec leurs traiteurs, etc. Cela ne laisse pas beaucoup de place pour les élevages industriels ? Non, mais il n’y a pas que les diplodocus qui aient disparu…

  4. Les, des agriculteurs ont leur bonheur en mains. Il suffit de l’exploiter, de le généraliser : les circuits courts, la vente direct. Elle est possible dans bien des cas, du lait aux fruits et légumes en passant par les volailles et viandes. Les coopératives ont donné le ton. Il faut généraliser. Le consommateur suivra à partir du moment où il saura s’approvisionner Observons ces distributeurs en tous genres qui fleurissent, pizzas, pain, etc. Il faut approfondir le sujet quitte à créer des magasins gérés par les agriculteurs.

    • C’est ce que je viens de dire. Perso. je vais chez « Les fermiers réunis » et me contente de ce qu’il y a. Pas besoin de fraises en hiver!…

  5. peuvent se plaindre les agriculteurs qui ont voté pour des partis opposés a l union européenne les autres électeurs du RN , reconquète ,LR, NFP,macronistes sont tous en faveur des transferts de souveraineté prévus et votés par les députés européens qu ils ont contribué a élire…. ils récoltent donc les fruits de leurs votes…

  6. Merci pour ce bel hommage à nos agriculteurs, qui représentent la France éternelle, contre laquelle s’acharne les technocrates du « nouveau monde » ! Si bien résumée par Gustave Thibon, et le récent film « Petit paysan » !

  7. Il y a une solution : sortir les agriculteurs de la MSA . Je l’ai fait , ça fonctionne . Voulez-vous le numéro Siren de l’entreprise ?

  8. L’accord « Mer-do-sûr » est un énième noeud de pendu passé autour du cou des français, et plus généralement des européens.

    • N’ayons pas peur des mots.Le Frexit sera la seule solution car si nous continuons dans cette voie nous sombrerons tous corps et bien Michel Onfray,le philosophe,lors d’une émission avec Laurence Ferrari sur Cnews l’a bien expliqué, il y aurait une réelle volonté délibérée mais camouflée de détruire ce qui reste du système agricole français, mais les euro-mondialistes le cacheraient habilement derrière des termes et formules pour éviter que leur plan malsain soit éventé et ça n’est pas du complotisme mais là réalité.Il faut bien comprendre qu’après les paysans,ils passeront à autre chose pour éradiquer ce qui restera de l’économie française, beaucoup le disent, mais là majorité ne les écoutent pas et un jour il faudra payer la note.

  9. On dira ce qu’on voudra, mais en France, quelqu’un qui aime son travail et qui réclame à cor et à cri vouloir vivre du fruit de son labeur sans être subventionné, c’est surprenant. Pour ne pas dire très, très suspect …

  10. Bel article, noble et très juste !
    Trop de nos dirigeants sont habitués aux mensonges, disons aux succédanés de vérités (succès damnés) , vivants de malbouffe et intoxiqués. En Europe, les coupables sont nommés: Ursula et Emmanuel, la Bande à Biden.
    Je vis à la campagne depuis 10 ans. Nos jeunes agriculteurs vont mal. Ce sont les sous-prolétaires d’aujourd’hui, exploités, souvent isolés, suite à un divorce. Car non, « L’amour n’ est pas dans le Pré ! » Les femmes fuient la campagne. Les aides de l’Etat et des collectivités vont à celles qui ont la garde des enfants.
    Les suicides de paysans battent des records. Si certains s’en sortent, c’est grâce à leur héritage et à leur famille proche ! Il est temps d’y remédier !

  11. L’UE devait nous rendre tous heureux !! C’est une prévision de nos élites comme celle où nous devions mettre à « genoux » l’économie RUSSE !! Quand nous aurons tout cassé que ferons nous ??

  12. Qu’est-ce qu’ils n’auront pas cassé, ruiné, massacré avec leur Europe. Et personne ne bouge, sauf les paysans.

  13. La vrai question, c’est: jusqu’à quand ? Etant donné qu’il y a peu de solidarité, alors que nous sommes tous concernés par le drame qui frappe nos agriculteurs, mais pas qu’eux, tous les secteurs d’activités sont touchés et le pire est à venir, hélas!

  14. Tout bien considéré et mesuré la balance des avantages/inconvénients, je crois intimement qu’il nous faut très rapidement avoir le même courage politique que les Britanniques et dire « Stop à l’UE, on s’en va, aller vous faire pendre ailleurs, en Patagonie par exemple ». Si nous n’avons pas ce courage, tout ira de plus en plus mai et il en sera fini de la France, agriculture, industrie, services, culture, francophonie et tourisme.

  15. Dans cette lutte pour une agriculture saine et respectueuse de l environnement on entend pas les écolos pour s opposer à l importation de produits agricoles nocifs qui ne respectent pas les normes et participent à la déforestation massive.

    • Pour cela il faudrait prononcer un mot tabou, un sujet dont ils ne parlent jamais : « frontières ». Si les écolos commençaient à mettre des frontières pour les haricots et les poulets, d’autres pourraient avoir l’idée d’en mettre pour les humains. Et ça, ce ne serait pas possible.

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