Droite libérale-conservatrice : stupeur et tremblements

MONDIALISATION

À l’image de la victoire de Benyamin Netanyahou, vainqueur des dernières élections législatives en Israël (pour un cinquième mandat consécutif), la ligne libérale-conservatrice semble avoir le vent en poupe. Pourtant, il n’en est rien. Cette droite-là, celle qui prône d’abord une gouvernance économique totalement en phase avec le capitalisme financier, avait connu ses heures de gloire dans les années 80 sous la houlette de Margaret Thatcher en Angleterre (de 1979 à 1990) et de Ronald Reagan aux États-Unis (de 1981 à 1989) : une idéologie s’appuyant sur une politique en faveur de l’offre, de l’innovation et de l’investissement, mais aussi de la maîtrise des flux migratoires afin de rassurer la population autochtone, et ce, tout en facilitant l’embauche d’une main-d’œuvre à bas prix.

Entre Friedrich Hayek et Milton Friedman (le premier ayant reçu le Nobel d’économie en 1974, le second en 1976), le nouvel ordre libéral-libertaire avait de quoi se convaincre des miracles accomplis par l’industrie et la Bourse. Un international libéralisme pouvait voir le jour et s’étendre sur la planète durablement : du Japon à la Colombie en passant par Israël. D’ailleurs, François Fillon – avant d’être le leader, en France, de cette ligne lors de la dernière élection présidentielle (en 2017) – avait reçu une haute distinction de la part de l’empereur Akihito (grand cordon de l'ordre du Soleil levant, la distinction la plus élevée du pays, en mai 2013). Le Premier ministre Shinzō Abe, revenu au pouvoir (depuis décembre 2012) en assumant la même orientation idéologique, n’était pas étranger à l’affaire.

Entre l’extrême centre et le camp national, la droite libérale-conservatrice pense habilement obtenir le soutien des lobbies industriels et financiers, puis glaner les suffrages des plus angoissés parmi ses autochtones. Sur le plan anthropologique, l’identité met nécessairement à distance la différence pour se révéler à elle-même. Car, dans un monde sans frontières, se fait encore plus pressante l’urgence identitaire : l’angoisse de l’étrangeté pour pouvoir s’aimer soi-même. Seulement, cette ligne idéologique – qui était, en France, celle de l’UDF jusqu’au FN des années 90 – semble avoir fait son temps : Fillon s’est effondré (autant à cause de ses multiples dissimulations que pour son intention de dissoudre progressivement la Sécurité sociale) et le ticket Wauquiez-Bellamy n’est crédité, pour les européennes, que de 13,5 %, d’après les derniers sondages. En outre, la crise des gilets jaunes n’a aucunement profité à LR. Bien au contraire.

À l’échelle mondiale, le libéralisme économique est constamment ébranlé par les krachs boursiers (1929, 1987, 1998, 2008 et 2010). De fait, la bulle spéculative est faite pour être invasive : ce qui affecte le Nikkei affecte le CAC qui affecte, à son tour, le NASDAQ, etc. La mondialisation est destinée à fonctionner telle une perpétuelle chute de dominos. À vrai dire, « l’ordre spontané » (de Hayek) masque un désordre programmé. L’ultra-économique tend, ainsi, à annihiler le théologico-politique : les économistes sont, à présent, des gourous et les politiques uniquement des prestataires de service.

Dans cette perspective, il reste au camp national de se réconcilier définitivement avec le camp social. Parce que c’est bel et bien le néolibéralisme qui tend à effacer les personnes comme les totalitarismes du XXe siècle… À l’évidence, le monde n’aura jamais été aussi chancelant.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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