Delevoye : en mauvaise voie vers la pente fatale ?
Ça n’allait déjà pas très fort pour Jean-Paul Delevoye, le « monsieur retraites » d’Emmanuel Macron, récemment démissionnaire pour les rocambolesques raisons qu’on sait ; mais depuis quelques jours, le même navigue en eaux de plus en plus profondes ; si ce n’est de plus en plus troubles. Ou quand le char de l’État, au lieu de naviguer sur un volcan, se transforme en bathyscaphe faisant eau de toutes parts.
Ainsi, faut-il savoir qu’entre ses multiples occupations, prétendues bénévoles (il y a fort à parier que tous ses frais étaient pris en charge), cet homme a déployé une énergie incomparable à la tête du Conseil économique, social et environnemental, de 2010 à 2015. « Énergie » telle que cette instance a diligenté un rapport interne, en 2013, lequel aurait été « enterré » un an plus tard par l’ancien haut-commissaire aux Retraites, à en croire les révélations du Parisien.
À l’origine, le but de la manœuvre consistait à faire le point sur les « risques psychosociaux au sein des employés du CESE », charmante attention, sachant que l’emploi du temps de ces derniers ne doit pas les amener chaque jour au bord du nervous breakdown. Mais, dans ce rapport, deux phrases, imprimées en gras, auraient provoqué l’ire de Jean-Paul Delevoye, puisque concernant « un certain malaise quant à une confusion des missions et des moyens due à la détention en parallèle d’un mandat électif par le président ». En effet, l’heureux élu fut celui de la mairie de Bapaume, dans le Pas-de-Calais, de 2004 à 2014, et présida le CESE de 2010 à 2015, soit un tuilage ou un cumul (appelez ça comme vous voulez) de quatre ans.
Et là démarre la dégoulinante. « On se demandait qui payait ces allers et venues entre le CESE et la mairie. » « Il partait le jeudi soir ou le vendredi et revenait le lundi. Et le chauffeur restait à Bapaume, nourri, logé. » Le chauffeur ? Un pluriel serait plus approprié : « Parmi les huit chauffeurs dont dispose le CESE, deux étaient affectés au service du directeur et bénéficiaient, depuis 2012, de plusieurs avantages », assure Le Point. Des avantages qui ne sont pas à la portée du premier venu et encore moins du dernier des retraités, à en croire la même source : « Pour une semaine travaillée suivait une semaine de repos, avec un salaire de 2.000 euros auquel venait s’ajouter une prime de 800 à 1.000 euros par mois. »
Le véhicule de fonction, payé par le CESE, ce n’était pas non plus une Twingo, semble-t-il, selon le mensuel Capital : « Jean-Paul Delevoye aurait insisté pour commander un véhicule à huit places, en raison de ses grandes jambes et pour transporter les délégations. » C’est l’inconvénient d’avoir de « grandes jambes » : on prend souvent la grosse tête.
Pour tout arranger, les deux assistantes de Jean-Paul Delevoye auraient plus travaillé pour la mairie de Bapaume que pour un CESE qui leur versait néanmoins leur salaire : « Elles faisaient de la permanence téléphonique, du courrier, de la gestion d’agenda. Des tâches qui relèvent normalement de la mairie », lit-on encore dans Le Parisien.
Bref, si le Conseil économique, social et environnemental ne fait pas précisément dans les économies, il donne au moins dans le social, enfin, pour les employés de son président. Quant à l’environnement, le moins qu’on puisse prétendre est qu’il tendrait plutôt à polluer les affaires d’un Élysée n’en ayant pourtant pas besoin.
La preuve en est qu’on apprend, au passage, que Jean-Paul Delevoye aurait également oublié de « déclarer des revenus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, alors qu’il était président du CESE en 2014 et 2015, soit au total plus de 90.000 euros nets ».
En 2017, Emmanuel Macron entendait nous faire passer de l’ancien au nouveau monde : celui de la « bonne gouvernance ». Tout allait enfin devenir transparent. Voilà qui ne paraît pas réussir à Jean-Paul Delevoye, cette transparence ayant mis au moins deux choses au jour. La première, c’est que ses finances ne l’étaient pas, transparentes. La seconde, c’est que cet ancien demi-solde du chiraquisme, passé à un macronisme d’opportunité, est politiquement si transparent que même un aveugle pourrait y voir au travers.
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