Cri de détresse des académiciens : « Le globish m’a tuer ! »
« En ce lundi, lendemain de week-end où, victime de l’after du samedi soir, nous avons traîné au lit avant de bruncher à point d’heure, nos smartphones sont inondés de SMS nous annonçant le lancement de la « black friday week ». Ainsi, nous voilà tous embeddés dans la spirale infernale de la consommation à gogo, impactés par des flashs forwardés de site en site pour nous pousser au relooking comme de vulgaires fashion victims accros à la french touch.
Et l’on a beau, comme Marlène Schiappa, vouloir troller le système, rien n’y fait. Tous Born to Be Alive, nous virons Born to Be Wild en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire… ou pour tirer sur la manche d’un T-shirt ou d’un sweat convoités par la copine. Car la black friday week s’annonce hot et l’on va multiplier les selfies pour bien montrer à nos followers qu’on y était, remportant de haute lutte ces boots que nous avions likées sur le Net ! Et en rentrant, harassé, on fera la couch potato devant The Voice en se tapant un hamburger. Pour finir, un petit gif à poster sur le blog familial… ou un tweet, hashtag « J’me la pète grave avec mes nouvelles shoes », et dodo ! LOL…
LOL, ou pas… Pardon, en effet, pour cette petite narration, mais vous l’aurez deviné : elle n’a d’autre but que d’illustrer le propos du jour, à savoir la déglingue du français, rongé par le globish. Anglais improbable, cette langue qui n’en est pas une détruit assurément la nôtre. Semblable aux effets du ressac sur les falaises crayeuses, elle en sape les fondements.
Voilà donc l’Académie française qui, une nouvelle fois, pousse son cri d’alarme. Elle est « gravement préoccupée » par le développement du « franglais » et enjoint les pouvoirs publics de mieux respecter la loi Toubon sur la défense du français. C’est, rappelons-le, une loi qui remonte au 4 août 1994, fixant dans le marbre que « le français est la langue officielle de la République ».
Vingt-cinq ans ont passé et ça ne s’est pas arrangé… Dans son communiqué à l’AFP, l’Académie écrit qu’elle « n’a jamais été hostile à l’introduction et à l’usage de termes étrangers. Mais aujourd’hui elle se montre gravement préoccupée par le développement du franglais. » Plus grave encore, « les violations répétées de la loi Toubon, qui a posé les règles de l’emploi du français dans la sphère publique, dénaturent notre langue, autant par l’invasion des termes anglo-saxons que par la détérioration qu’ils entraînent de sa syntaxe ».
Que les gens qui cultivent « l’entre-soi » professionnel parlent un infâme gloubi-boulga, qu’importe. Le drame est, en effet, que cette mode envahissante détruit une langue que de moins en moins de Français, et particulièrement les jeunes, maîtrisent encore dans ses subtilités. Non seulement nos oreilles sont en permanence écorchées par des âneries qui n’ont que peu à voir avec la langue de Shakespeare, mais la syntaxe est gravement « impactée », comme disent les politiques.
Las, nos académiciens, qu’on dépeint souvent en vieillards cacochymes, risquent une fois encore de s’époumoner pour rien. Le mal est fait, il se répand plus vite que la peste, servi par une technologie galopante venue d’outre-Atlantique.
Enfin, il faut le dire, si « l’anglolâtrie » qui a tout envahi, depuis l’économie - le monde de l’entreprise, des transports, du commerce, la publicité, la rue… - jusqu’à la politique, emporte tout sur son passage, c’est parce qu’elle est le reflet d’une société qui n’a plus aucune confiance en elle-même.
Nous courons depuis des lustres après les Anglo-Saxons, important toujours leurs pires travers de peur de rater le train de la modernité.
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