François et la bombe : l’idée contre le réel

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Dans ses récentes déclarations de Nagasaki et Hiroshima, le pape François s'est indigné de l'emploi d'une arme « immorale » et a appelé à la fin de la dissuasion. On ne peut évidemment qu'abonder dans le sens de ces déclarations, à moins de considérer les images de ces deux villes martyres comme la juste punition d'un pays qui avait, dès avant les bombes atomiques, décidé de se rendre. Autant considérer Katyń comme une loi de dégagement des cadres et Dresde comme un vaste chantier de BTP. Le pape a donc parfaitement raison d'un point de vue moral, évidemment.

Il est toutefois à noter, sur ce sujet, que là où le pape François (ou pape François, ou François, c'est comme on veut, paraît-il) fustige les puissances nucléaires, saint Jean-Paul II avait qualifié l'arme atomique de « mal nécessaire ». Deux pensées différentes, celle d'un Polonais qui connaissait l'humaine condition et celle d'un Argentin qui pense que la parole pontificale est encore performative. Pour être cohérent, François pourrait excommunier les chefs d'État détenteurs de l'arme atomique - mais, pour le coup, il sait sans doute trop bien que ce serait un dérisoire coup d'épée dans l'eau.

Certes, il est du ressort du pape de rappeler certaines évidences. Il lui revient de s'indigner inlassablement contre des faits qui nous semblent évidents et desquels nous nous accommodons paresseusement. Mais, à l'heure où le Vatican accompagne la submersion migratoire de l'Europe, à l'heure où l'avortement tue 200.000 bébés chaque année rien qu'en France, n'y avait-il pas des sujets d'indignation moins stratosphériques et plus réalistes que la dissuasion nucléaire, à l'agenda du pape ? Une telle naïveté face à la géopolitique fait immanquablement songer à la phrase de Péguy sur l'idéalisme kantien : le pape, lui aussi, a les mains propres mais n'a pas de mains.

Sanctuariser un territoire, tel est l'objectif de l'arme nucléaire. En faire un sanctuaire inviolable, fût-ce au prix de l'équilibre de la terreur, pour que puisse s'y déployer tranquillement la richesse d'une civilisation, la singularité d'un peuple... la grandeur d'une religion qui, même universelle, ne prend jamais que la forme du pays qui y sacrifie. Urbain II n'avait pas de telles pudeurs.

On avait parlé du prédicat de « François Ier » pour nommer le pape lorsqu'il avait été élu. François Ier, c'est aussi un film avec Fernandel, dans lequel un brave homme préfère vivre, sous hypnose, dans le monde imaginaire de la Renaissance plutôt que dans un inconfortable et désespérant (mais bien réel) quotidien. Je ne me risquerai pas à prolonger la comparaison.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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