Corse : délire identitaire et réalités démocratiques
On ne pouvait y couper ! L’installation de la nouvelle Assemblée de Corse le 2 janvier a une nouvelle fois donné lieu, dans l’hémicycle, à un spectacle outrancier, confinant au délire. Reconduit dans sa fonction de président de l’Assemblée, M. Talamoni s’est de nouveau surpassé en surenchère provocatrice. Substituant le parler corse à la langue de la République, il n’a guère eu de peine à subjuguer des médias acquis ou niais. Tétanisée, la pitoyable opposition républicaine ne lui a guère compliqué la tâche. Mais il en a encore trop fait, ce qui appelle une nouvelle mise au point.
Rappelons, pour commencer, que l’intéressé n’est que le chef de la minoritaire fraction extrémiste du séparatisme, mais il cherche par son activisme débridé à supplanter M. Simeoni dans le leadership de leur coalition séparatiste. Tous deux se sont mis d’accord pour surfer sur la soi-disant vague « historique » des résultats électoraux, et revendiquer comme coulant de source un "statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice", avec pouvoir législatif, consentant à repousser de dix ans l’objectif retenu de l’indépendance. Ils clament péremptoirement qu’ils expriment la volonté majoritaire des Corses, prenant allègrement leurs désirs pour des réalités. Aussi importe-t-il de marteler ces dernières, à l’intention de ceux à qui on ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes.
Tout d’abord, contrairement aux autres régions du pays, le président de l’Assemblée de Corse ne détient d’autre pouvoir que celui de diriger les débats de ladite Assemblée. Seul le président du conseil exécutif, en l’occurrence M. Simeoni, a aujourd’hui le droit de parler au nom de la Corse.
Ensuite, contrairement à la présentation qui en est faite, les récents résultats électoraux ne marquent en rien le triomphe du séparatisme insulaire. Que l’on en juge !
À l’élection présidentielle du printemps, Marine Le Pen est arrivée en tête avec 27,87 % des voix, suivie de François Fillon (25,51 %) et Emmanuel Macron (18,49 %). À eux trois, ils ont donc totalisé 71,87 % des suffrages. Que l’on sache, ces personnalités ne passent pas pour des séparatistes. Il est vrai qu’à la dernière élection territoriale de décembre dernier, la coalition séparatiste a obtenu le score impressionnant de 56,18 % des suffrages exprimés. Mais que vaut cette victoire au regard des 50,63 % des abstentionnistes et votes blancs, c'est-à-dire d’une majorité absolue de la population ? En fait, les séparatistes n’ont obtenu l’adhésion certaine que de 26,18 % des insulaires, soit un sur quatre. Le scrutin, de surcroît, ne portait point sur l’évolution institutionnelle de la Corse, mais sur une question administrative. Au demeurant, maints insulaires ont été agacés de se voir imposer la suppression des départements, qu’ils avaient rejetée par référendum en 2003.
Aussi messieurs Talamoni et Simeoni devraient-ils en rabattre de leurs exigences institutionnelles. Ils n’ont pas reçu du "peuple corse" le mandat explicite de "négocier" avec le gouvernement de la "République amie" (sic) une quelconque avancée statutaire. En toute logique, ils devraient exiger à cet effet un scrutin d’autodétermination, à l’instar de leurs amis catalans ou écossais. Mais ils n’osent s’y hasarder ! Aussi le gouvernement doit-il se réserver cette carte ultime, car le peuple est seul maître du choix de son destin.
Le pouvoir central n’est donc en rien tenu de « négocier » un énième statut particulier, sauf à céder piteusement à une pression subversive. Nous pensons que la question corse doit trouver son dénouement par le haut dans une vaste réforme girondine, d’ailleurs dans les tuyaux nous dit-on. L'« inscription de la Corse dans la Constitution », à la calédonienne, ou le monstre administratif de l’« autonomie dans la République » sont deux mirages funestes. D’une part, la Corse y perdrait sa garantie de la vitale solidarité nationale. D’autre part, une inéluctable contagion ferait voler en éclats l’unitaire égalité de la France, couronnement de quinze siècles d’Histoire, et sanctuarisée dans la devise de la République.
Pour l’heure, les séparatistes n’en font qu’à leur tête, sans opposition notable. M. Talamoni a prévu de snober le chef de l’État à la commémoration du 20e anniversaire de l’assassinat du préfet Érignac le 6 février à Ajaccio. Il a depuis longtemps chassé de son bureau l’emblème national. M. Simeoni vient de le bannir du décor de sa présentation de ses vœux à la Corse. Sur maints frontons d’édifices publics, le drapeau tricolore a perdu sa préséance protocolaire dans la hiérarchie des emblèmes déployés. Maires et députés séparatistes se refusent au port, sans doute infamant, de l’écharpe tricolore de leur fonction. Quant à la co-officialité de la langue corse, elle a dépassé le stade de la revendication pour sa pratique, notamment à l’Assemblée.
Encouragés par quarante-cinq années de laxisme d’État, les séparatistes spéculent à présent sur la « modernité » du gouvernement actuel pour arracher enfin la Corse à la France, quelle que soit la façon d’y parvenir.
À bon entendeur, salut !
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