Corée du Nord : quand Poutine ramène Trump à la raison
C’est peu dire que le ton monte entre Washington et Pyongyang. D’un côté le président Kim Jong-un ; de l’autre, son homologue Donald Trump, au moins tout aussi foutraque et à la coiffure à peine plus surréaliste. Et comme d’habitude, l’habituelle machine médiatique qui se met en branle. Grâce à ses nouveaux missiles nucléaires, la Corée du Nord pourrait frapper la puissante Amérique - voire même la France, tant qu’à faire. La guerre est-elle pour demain ? Heureusement que le camp du Bien veille au grain, les États-Unis n’étant pas les gendarmes du monde pour rien, évoquant une possible opération militaire après avoir menacé le Venezuela de ses foudres. En attendant un prochain blocus maritime sur les côtes monégasques ?
On notera que ce sont les mêmes qui assuraient en 2003 que, fort de ses fameuses armes de destruction massive, le défunt Saddam Hussein était en mesure d’atomiser New York… Un président irakien dont la mort n’en finit d’ailleurs plus de hanter certains dirigeants n’ayant pas l’heur de plaire à la Maison-Blanche. Lesquels se disent, non sans raison, que si l’Irak, voire même la Libye, avaient possédé l’arme nucléaire, leurs territoires auraient été de fait sanctuarisés et préservés de l’invasion des armées occidentales, ce, avec les brillants résultats qu’on sait.
Le gouvernement nord-coréen ne veut rien de plus. Il n’a pas de visées expansionnistes, mais entend juste sauvegarder le régime en place. Quoi qu’on puisse penser de ce dernier et de ses méthodes, il n’est pas sorti de nulle part. C’est un enfant de la guerre froide et de ses quatre millions de morts, lors de la guerre l’ayant opposé à la Corée, de 1950 à 1953. Son marxisme-léninisme n’est en fait que de façade, le système institué par Kim Il-sung étant fondé sur le « juche », doctrine mêlant culte de la personnalité, autarcie économique, hyper-nationalisme et mystique racialiste. Donc, le réduire à un simple régime de fous sanguinaires et de dinosaures staliniens n’a pas grand sens.
Si Donald Trump ne le comprend pas ou fait semblant de ne pas le comprendre, tel n’est pas le cas des deux autres puissances majeures de la région, la Chine et la Russie. Pour la première, la Corée du Nord, allié turbulent et pas toujours contrôlable, lui donne une précieuse profondeur territoriale. La seconde, forte d’une longue frontière commune avec le pays de Kim Jong-un, ne peut tolérer que son flanc sud puisse être déstabilisé par un conflit aux conséquences imprévisibles. De longue date, Moscou et Pékin sont en parfaite entente sur la question.
C’est d’ailleurs de Chine, à l’occasion d’un sommet du BRICS (organisation des puissances émergentes que sont le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), que le président Vladimir Poutine a tenté de ramener les États-Unis à un minimum de bon sens : "S’engager dans une hystérie militaire n’a aucun sens, c’est un chemin qui mène à l’impasse." Quant aux sanctions économiques, huitième plan en la matière prévu par Washington ? "Le recours à n’importe quelles sanctions, dans ce cas, est inutile et inefficace", a souligné le maître du Kremlin. Et Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie, d’appeler son homologue américain à "l’utilisation de moyens politiques et diplomatiques", le pressant au passage "de ne pas céder aux émotions et de garder sa retenue".
Un discours à méditer, surtout quand Nikky Haley, ambassadrice des États-Unis à l’ONU, issue des rangs du Tea Party et protégée de Sarah Palin, toutes personnes connues pour leur finesse en matière de géopolitique, prévient : "Les dirigeants iraniens veulent utiliser l’accord nucléaire pour prendre le monde en otage. […] Si l’on continue à dire que l’on s’en occupera plus tard, nous allons avoir affaire à la prochaine Corée du Nord." Après Pyongyang et Caracas, l’année prochaine à Téhéran ?
Il est décidément bien loin, le temps des Henry Kissinger… Au fait, à propos de prolifération nucléaire, on n’a guère entendu le Département d’État américain s’alarmer de la prolifération nucléaire en Inde et au Pakistan, pays en guerre plus ou moins ouverte depuis 1947. Mais il est vrai qu’Islamabad est un allié de Washington, même s’il arme et finance les talibans afghans depuis plusieurs décennies… Cet univers serait-il un brin trop complexe pour notre cher Donald, cet Oncle Picsou qui se prend aujourd’hui pour le général MacArthur ?
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