Lorsque Nicolas Dupont-Aignan s'est déclaré candidat pour la présidentielle de 2017, cela a déclenché une hilarité générale au sein de la classe politico-médiatique. "Dupont-Aignan candidat, la France est sauvée", ironisait Jean-Michel Aphatie, sortant ainsi de la réserve à laquelle tout journaliste digne de ce nom doit s'astreindre.
Ce cas n'est pas isolé. Ceux qu'on nomme les "petits partis" sont souvent la cible des quolibets dans les médias et la classe politique : DLF, UPR, et j'en passe, tous ont eu droit aux moqueries de l'establishment.
Voilà que non contente de se gausser, la classe politique a décidé de faire taire littéralement ces partis qui veulent sortir du schéma traditionnel gauche/droite. C'est du moins ce que prévoit une proposition de loi déposée par le PS.
Le texte prévoit, entre autres dispositions, de limiter l'égalité du temps de parole aux deux semaines précédant le premier tour (contre cinq semaines actuellement).
Il est également prévu que les parrainages soient directement envoyés au Conseil constitutionnel qui les rendra tous publics, sans tirage au sort préalable.
Enfin, les bureaux de vote fermeront à 19 heures, sauf dans les grandes villes où la fermeture est maintenue à 20 heures. Ce, pour éviter les fuites des résultats dans les médias étrangers.
Eh oui, il n'est pas aisé d'être un "petit parti" à l'heure où trois géants se combattent pour déterminer lequel sera "le premier parti de France".
Mais quoi qu'on en dise à Neuilly, à Tulle ou à Montretout, le premier parti de France est celui de l'abstention. En effet, aux dernières élections présidentielles, sur 46 millions d'électeurs, près de 10 millions ne se sont pas rendus aux urnes. Ne parlons même pas des européennes, où l'abstention frôle les 60 %… Voilà qui confirme que le modèle bipartite (et même tripartite si on y inclut le FN) est loin de séduire les masses, comme nous le montre cette étude CEVIPOF selon laquelle 87 % des Français ne font plus confiance aux partis politiques.
Si une telle loi avait été votée en Iran ou en Russie à un an des présidentielles, cela n'aurait pas manqué de déclencher l'ire des duègnes de la bonne pensée. Car les objectifs semblent clairs : dynamiter les "petits partis" afin que leurs scores soient partagés entre les trois grandes formations : LR, PS et FN.
D'aucuns craignent que ladite réforme ne fasse qu'affaiblir davantage la représentativité électorale en enlevant leur visibilité aux partis les moins en vue. L'augmentation de l'abstention est une autre source d'angoisse pour certains. "Vous irez encore verser des larmes de crocodile sur le taux d'abstention en hausse", prévient la députée Isabelle Attard.