
Le 7 et 8 janvier dernier, un colloque organisé à la Sorbonne par le Collège de Philosophie et l’Observatoire du décolonialisme a voulu interroger sous l’angle (enfin) critique la philosophie de la déconstruction : « Après la déconstruction, reconstruire les sciences et la culture. »
De façon surprenante, Jean-Michel Blanquer a introduit le colloque, affirmant que « nous devons déconstruire la déconstruction, une bataille nous est menée sous bien des angles, et le monde nous regarde ». Peut-être – et il serait bien le seul – n’a-t-il pas entendu le chef de l'État dont il est un des ministres affirmer qu’il nous fallait déconstruire notre propre Histoire. Ici, le en même temps touche au sublime…
Quoi qu’il en soit, conférences et tables rondes ont alterné, réunissant sous les lambris historiques du bel amphi Liard la fine fleur de l’intelligentsia française. Car oui, elle existe, et la qualité de sa réflexion et de son expression est inversement proportionnelle à sa présence médiatique, surtout sous l’ère macronienne.
Jacques Julliard, Pierre Vermeren, Sami Biasoni, Pierre Manent, Pierre-André Taguieff, Pascal Perrineau, Christophe de Voogd, Peggy Sastre, Mathieu Bock-Côté, Pascal Bruckner, Boualem Sansal, Anne-Marie Le Pourhiet, Xavier Gorce, Pierre Valentin, Philippe d’Iribarne, Éric Anceau, philosophes, juristes, sociologues, historiens et linguistes, scientifiques et musiciens, politologues et hauts fonctionnaires ont ainsi débattu de sujets essentiels… Ils se sont penchés tout d’abord sur la genèse de cette philosophie de la déconstruction, sur les impasses de l’intersectionnalité comme sur l’émergence du néo-racisme, sur la place de l’islam à l’Université – ouvrir ce débat, c’est déjà briser un tabou –, de la cancel culture, bref, sur tout ce qui, sous de faux airs de théories fumeuses et invisibles, n’en est pas moins, dans la réalité, un danger mortel pour notre civilisation. Les enjeux institutionnels et juridiques de ces idéologies qui sont aujourd’hui en phase de conquête agressive, l’importance de l’éducation et les enjeux cruciaux de la transmission et, enfin, les chantiers de la reconstruction sont autant de thèmes abordés également lors de ce colloque. Cela signifie que l’Université a pris la mesure de la menace qui pèse sur la civilisation occidentale tout autant que de l’urgence de l’affronter.
Mais qu’est-ce, au fait, que la déconstruction ? En quoi est-ce une menace sur la société et la civilisation française ? Pierre-André Taguieff l’explique dans une tribune du FigaroVox : « La déconstruction est l'arme intellectuelle censée permettre de dévoiler l'insoutenable face cachée de l'Occident, à savoir son racisme et son sexisme, considérés comme ses héritages culturels à dénoncer, en attendant de les abolir. La conclusion logique du déconstructionnisme est qu'il faut en finir avec la civilisation occidentale. […] Le mot d'ordre des déconstructeurs est simple : tout peut et doit être déconstruit. Mais il est trompeur, car seule la culture occidentale fait l'objet d'une déconstruction systématique. Il n'est pas question, par exemple, de déconstruire le « ressenti » victimaire des catégories sociales dites minoritaires, dominées ou racisées. »
Tyrannie des minorités
Par la grâce de cette idéologie venue d’outre-Atlantique, la question de l’oppression et du ressenti des minorités quelles qu’elles soient, sexuelles comme ethniques, est utilisée comme grille de lecture de la réalité, du fait social, du fait politique, du fait historique. Une tyrannie des minorités qui est tout le contraire de l’universalisme, dont la matrice philosophique, intellectuelle, sociale et politique a été le christianisme.
Le camp du progrès, cette gauche intellectuelle et médiatique qui pratique avec gourmandise l’hégémonie et l’entre-soi culturel depuis cinquante ans, ne s’y est pas trompé. La trilogie infernale, Le Monde, Libé et Mediapart, a publié tribunes et libelles contre ce colloque « réactionnaire ». Par cette ficelle si usée de la reductio ad hitlerum, la gauche jette ses derniers feux, oppose l’invective et l’insulte à la puissance de la réflexion.
Et c’est plutôt bon signe.
10 janvier 2022
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :