Cinéma : Nos plus belles années, de Gabriele Muccino

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Dilemme. Faut-il louer un film pour les discours qu’il tient ou pour la façon dont ces discours – indépendamment de leur teneur – sont défendus par la mise en scène ? Ce questionnement habite depuis quinze ans l’auteur de ces lignes. Et ce qui est certain, c’est que le dernier long-métrage de Gabriele Muccino ne va pas simplifier le débat.

Avec Nos plus belles années, film de 2h15 sorti en salle le 29 décembre, le cinéaste italien relate sur quarante ans la trajectoire de quatre amis d’enfance que tout finit par séparer, excepté les souvenirs communs et l’affection qu’ils se portent : Giulio, devenu grand avocat, célébré par les médias ; Paolo, professeur de lettres classiques ; Riccardo, modeste producteur d’huile d’olive ; et Gemma, gérante d’un bar à l’opéra de Rome.

Portrait d’une Italie morcelée, le film nous raconte très justement comment les choix de vie, et notamment les parcours socio-professionnels – plus ou moins accidentés en fonction des individus –, creusent l’écart entre les amis de toujours. Ainsi, l’avocat idéaliste de jadis, attaché à la défense des plus démunis, est peu à peu retourné par le système et se fait le baveux de personnalités politiques incompétentes, voire criminelles, quand ses trois comparses peinent durant les trois quarts du récit à émerger socialement.

Nos plus belles années, plus prosaïquement, nous donne à voir la place d’une femme dans un groupe d’hommes et les tensions inévitables qui apparaissent et menacent la solidité des liens…

Touchant dans son éloge de l’amitié et des relations durables, le film de Muccino doit beaucoup à son casting quatre étoiles. Le cinéaste est parvenu à réunir le trio gagnant de Romanzo criminale, le film de gangsters de Michele Placido sorti en 2006 : Pierfrancesco Favino, Kim Rossi Stuart et Claudio Santamaria, qui incarnaient déjà, à l’époque, les meilleurs amis du monde, partis à la conquête du grand banditisme romain des années 70. On s’amuse donc, évidemment, à revoir ces trois acteurs réunis à l’écran pour camper, cette fois-ci, des citoyens lambda, honnêtes et respectables. Le clin d’œil au film de Michele Placido ne s’arrête pas là puisque l’une des séquences d’ouverture de Nos plus belles années – montrant en voiture les jeunes Giulio et Paolo tenter de secourir Riccardo qui est gravement blessé – rappelle fortement l’introduction de Romanzo criminale.

Les citations sont toujours appréciables ; l’ennui, c’est que le film de Gabriele Muccino leur accorde une place trop importante. Le titre, mièvre et sucré, se réfère à une chanson de Claudio Baglioni. Quant à la bande originale, elle n’est guère plus audacieuse : « Just an Illusion », d’Imagination, pour une séquence en discothèque, ou encore « Reality », de Richard Sanderson (dans un contexte identique à celui de La Boum !). Un manque patent de créativité qui se ressent plus largement dans la mise en scène, dans les choix du scénario (la partie sur l’enfance est un ramassis de clichés et de passages « obligés ») et même dans les intentions de départ… Manifestement, il n’est pas suffisant de se réclamer d’Ettore Scola, de Dino Risi ou de Federico Fellini pour faire du bon cinéma.

Alors, certes, on passe un bon moment en compagnie de ces acteurs, et les valeurs défendues nous plaisent. Le fond l’emportera donc sur la forme…

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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