En attente de son procès depuis deux ans, Lise est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie de lycée, au lendemain d’une soirée arrosée. Soutenue par ses proches, qui espèrent sous peu retrouver une vie normale, la jeune femme s’apprête à affronter aux assises la machine judiciaire. Tous, des magistrats aux jurés, en passant bien sûr par la mère de la victime, s’interrogent sur son compte.

Persuadé, jusqu’à présent, de la connaître intimement, le père de Lise, incarné avec sobriété par Roschdy Zem, commence lui-même à douter lorsqu’il découvre, au fil des audiences, les frasques de sa fille et les mœurs débridées d’une génération nourrie au porno, à Snapchat et aux réseaux sociaux…

Avec La Fille au bracelet, le réalisateur Stéphane Demoustier nous propose, le temps d’une heure et demie, de nous glisser dans la peau d’un juré afin de percer les mystères d’une jeune femme impassible et renfermée, peu consciente manifestement de la gravité de ce dont on l’accuse, et de délibérer sur sa culpabilité. Si l’on pense évidemment au scénario de La Vérité, d’Henri-Georges Clouzot, celui de Stéphane Demoustier s’enrichit du portrait pathétique d’une certaine jeunesse au nihilisme bourgeois, qui couche à tout va, « entre amis », et filme ses ébats pour amuser les copains.

Une jeunesse qui « joue », qui « fait ses expériences », qui confond le réel et la fiction et déréalise les conséquences. De sorte que, de la fellation filmée exercée sur un camarade à l’assassinat de sa meilleure amie, tout devient possible. Qu’il s’agît d’ailleurs d’une énième expérimentation, pour savoir en l’occurrence ce que l’on ressent en tuant quelqu’un, ou d’un accès de colère rendu possible par l’alcool et les sentiments passionnés, comme en sont coutumiers les jeunes.

Les parents, eux, perdent pied, nient d’un bloc pour se convaincre de leur propre innocence, puis s’interrogent peu à peu sur le degré de nuisance de ces gamins à qui ils ont toujours tout passé sous prétexte d’ouverture, de tolérance et de « coolitude »… Le mal n’est pas le propre des milieux défavorisés, il se répand tout autant au sein de la bourgeoisie et s’y fait parfois même plus insidieux, plus pervers. Lise peut aussi bien être innocente du meurtre que coupable. Les mots touchants qu’elle prononce à la mère de la victime, au terme du procès, peuvent être sincères ou relever d’une singulière perversité, d’un cynisme rarement atteint chez un meurtrier, on n’en saura rien… Le film nous donne bel et bien un verdict judiciaire, dont on peut se satisfaire ou s’offusquer ; c’est au spectateur, en définitive, d’avoir le dernier mot.

Quoi qu’il en soit, Stéphane Demoustier s’en sort avec les honneurs, les séquences aux assises sont tout bonnement captivantes. Et ce, grâce à sa petite sœur Anaïs Demoustier, parfaitement à l’aise dans son rôle d’avocat général ; à Roschdy Zem, sur qui se fait en partie l’identification du spectateur ; et à Melissa Guers. On regrette seulement, par moments, un recours inutile aux musiques d’ambiance, mais pas de quoi gâcher notre plaisir.

4 étoiles sur 5

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21 février 2020 à 8:24

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