Cinéma : Jeanne du Barry ou Louis XV par le petit bout de l’Histoire

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Un film qui aborde l’Histoire de France est toujours un événement ; qu’importe, au fond, le biais du cinéaste. Ce qui compte, c’est d’ouvrir le débat et d’entretenir un lien avec notre passé, n’en déplaise à nombre de nos contemporains qui vivent avec l’idée fausse que rien ne les précède et que rien ne les oblige...

Maïwenn était-elle la plus à même de comprendre et de filmer le règne de Louis XV, et d’incarner, à quarante-sept ans, une courtisane de vingt-cinq ? Johnny Depp, acteur issu du monde anglo-saxon, était-il le meilleur choix possible pour camper ce roi de France qui fut en guerre toute sa vie contre les Anglais ? On s’interroge… Cependant, ces appréhensions légitimes qui furent les nôtres avant de voir Jeanne du Barry n’ont pas gâché le plaisir que nous avons éprouvé à son visionnage.

Plein de verve, le récit revient sur les jeunes années de la roturière et demi-mondaine Jeanne Gomard de Vaubernier, devenue en très peu de temps, grâce à ses charmes, la favorite de Louis XV dans une cour de Versailles où règnent les jalousies, les cancans, les médisances, les pièges et les complots. Un parfum de décadence aristocratique qui, associé à la ruine financière causée largement par la guerre d’indépendance américaine, conduira, quelques décennies plus tard, à la Révolution française…

Le film nous montre bien que, si Jeanne du Barry obtint rapidement les faveurs du roi, les filles de celui-ci, et sa petite-belle-fille Marie-Antoinette, virent d’un très mauvais œil l’ascension sociale de cette « putain » et employèrent toute leur énergie à provoquer sa chute.

Symptomatique de l’époque actuelle, qui ne pense plus le politique mais exalte les sentiments, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la presse à scandale, l’Histoire, hélas, se « stéphanebernise ». Ainsi, donc, lorsqu’une cinéaste chevronnée décide d’aborder le règne mouvementé de Louis XV, ce n’est pas pour nous parler du renversement d’alliances historique de 1755 réconciliant la France et l’Autriche après 250 ans de rivalité ; ce n’est pas, non plus, pour narrer la guerre de Sept Ans (la toute première guerre mondiale !), qui fut un désastre pour la France et se solda par le traité de Paris (1763) qui nous fit perdre l’est de la Louisiane, l’Acadie, le Canada et nos possessions en Inde, tandis que l’Angleterre confirmait son statut de première puissance maritime au monde. Ce n’est toujours pas pour évoquer l’annexion de la Lorraine ou de la Corse, ni même l’affrontement – fondamental, pour comprendre la Révolution – entre le pouvoir royal et les parlements que Louis XV dut mettre au pas. Non, c’est pour raconter les histoires sentimentales du roi et de sa maîtresse, celle-ci étant par ailleurs érigée en personnage principal – ce qui n’a rien d’anodin sur le plan symbolique.

En dépit de ce constat agacé, force est d’admettre que le film de Maïwenn remplit ses objectifs. Les acteurs s’en sortent avec brio, y compris Johnny Depp qui – heureusement – n’a pas beaucoup de lignes de dialogues à débiter. Plus cruel pour l’acteur américain, la relation complexe qui lie Jeanne du Barry et le valet du roi, incarné magnifiquement par Benjamin Lavernhe, tend à faire de l’ombre à celle qui occupe pourtant le centre du récit… Notons, enfin, que la cinéaste fait preuve d’un certain talent dans la composition de ses cadres, sublimés par la pellicule 35 mm. Maïwenn a le bon goût de laisser respirer les corps et d’éviter autant que faire se peut l’utilisation de gros plans dont nous abreuve ad nauseam le cinéma dit « d’auteur ». C’est à porter à son crédit.

3 étoiles sur 5

https://www.youtube.com/watch?v=TM1zhNSTSyI

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/05/2023 à 21:36.
Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Un très beau film plein de grâce et d’humour.
    Et je partage votre avis sur ces gros plans du cinéma actuel envahissants et fatiguants pour les yeux.

  2. Encore un film que nous n’irons pas voir .. une seule histoire dans notre pays ..la nouveauté est souvent malsaine et décrite par des bobos ..

  3. En effet on ne voit pas beaucoup le roi au travail avec ses ministres ,tout se passe à la cour .
    Néanmoins le film vaut le coup .A voir .

  4. Il en est ainsi de l’humanité: le pouvoir voulu par « des puissants » pour avaliser des territoires et des peuples afin de s’approprier leurs richesses ou les « machiavels histoires de culs » pour assouvir leurs propres plaisirs/déviances et autres délires sociétaux ! … La DU BARRY en est un bel exemple ! N’en déplaise aux troupeaux « déconstruits » ! …
    Dans certaines « sociétés » telles que chez les bonobos, leurs mœurs permettent de « casser » tout conflit qui pourrait remettre en cause « le bien commun » … Par contre, les « faits d’vers » qui secouent la FRANCE à cause des turpitudes de certains prouvent que les déviances deviennent de plus en plus fracassantes pour « le bien commun » de la civilisation française ! …

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