Les chiffres n'ont étonné que ceux qui ne voulaient pas les voir et qui s'accommodent du récit macronien : si les enseignants s'alarment des réformes, plus aberrantes les unes que les autres, des incivilités, qu'ils subissent quotidiennement, de leur déclassement salarial, que l'inflation et la hausse du SMIC ne rendent que plus criant et de l'absence totale de perspectives de carrières, c'est qu'ils seraient victimes, selon l'expression du Président réélu, du « syndrome de la salle des profs ». Telle était l'expression qu'il avait lâchée, à la veille du premier tour, pour décrire cette supposée tendance, pour les professeurs les moins investis, à décourager les plus motivés. Où était le Bayrou qui, naguère, protestait contre ce genre d'attaques démagogiques ?

Il n'empêche : les bons enseignants, dynamiques, innovants, optimistes, heureux comme les aime notre Président, ne sont tellement pas victimes du syndrome de la salle des profs qu'ils ne veulent même plus y entrer ! Cette session des concours de recrutement est historique par la chute du nombre de candidats. Le phénomène est ancien, mais 2022, dernière année du quinquennat Macron-Blanquer, marque un nouvel affaissement, comme une signature, un bilan. Il est tombé ce mardi 10 mai. En mathématiques, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps à cause de la réforme Blanquer et du niveau des enseignants, seuls 816 candidats sont admissibles, pour 1.035 postes ouverts. On part donc, avant même l'oral, avec un manque de 200 enseignants pour l'an prochain - déjà deux fois plus que l'an dernier ! Même phénomène pour les « petites » disciplines, elles aussi déficitaires en vocations depuis longtemps : en allemand, 83 candidats sont admissibles (contre 177 l'an dernier) pour 215 postes ouverts ; en lettres classiques, 60 admissibles pour 134 postes (85 pour 134 postes en 2021). Mais même la grande sœur des lettres modernes, naguère plus attrayante, subit le même sort : 720 admissibles pour 755 postes (en 2021, 1.301 pour 810 postes). Même constat alarmant pour le concours de professeur des écoles (CRPE) : seulement 180 admissibles pour 219 postes à Paris, 521 admissibles pour 1079 postes à Créteil et 484 admissibles pour 1430 postes à Versailles !

Le ministre étant occupé à se trouver un point de chute dans une circonscription, son administration a dû monter au créneau, lors d'un point de presse mercredi : « Cette baisse était prévisible et a donc été anticipée », a assené sans rire Édouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO). En effet, la rue de Grenelle, tout en sachant les recrutements difficiles, n'a rien trouvé de mieux que de décaler, cette année, les épreuves en master 2 ! Rien de plus attirant, cette nouvelle masterisation du CAPES : cinq ans d'étude, un concours avec sa part d'aléas pour une affectation pour dix ans en région parisienne dans un REP et un salaire à peine au-dessus du SMIC ? Qui voudrait traverser la rue - pardon : la banlieue - pour ça ?

Mais alors, quid des 350 postes de mathématiques supplémentaires, rien que pour assurer le tronc commun de mathématiques rajouté au dernier moment par un ministre qui n'en finit pas de défaire sa réforme du lycée depuis trois ans comme un mauvais terminale grattouillant une conclusion bâclée alors que les quatre heures sont écoulées ? Édouard Geffray, sans doute en partance lui aussi, a réponse à tout : heures supplémentaires, contractuels, concours internes, etc. Le bricolage ordinaire. Non, avec une innovation, cette fois, que l'on voyait venir depuis la zoomolâtrie du confinement : les visioprofs ! Dans l’académie de Nancy-Metz, sept « visioprofesseurs » ont été recrutés pour pallier le manque d’enseignants remplaçants, là où on ne trouve aucun contractuel. Le Monde nous dit que, « rue de Grenelle, on communique peu sur cette expérimentation, sinon pour assurer paradoxalement qu’elle n’a pas vocation à être généralisée ». Pas besoin d'être atteint du syndrome de la salle des profs pour décrypter le message.

Au sujet de ce fameux symptôme, après 25 ans de salle des profs, je vais vous faire une confidence : il est bien plus aigu que ce qu'en dit Emmanuel Macron, car non seulement ils sont de moins en moins nombreux à vouloir y entrer, dans la salle des profs, mais beaucoup font tout pour en sortir. Pire : ils sont de plus en plus nombreux à voter RN ou Zemmour.

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14 mai 2022 à 11:45

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48 commentaires

  1. On oublie de dire, qu’avec la pénurie, on recrute avec 6/20 de moyenne !
    Mais le pli est pris ! Les Zenfants font la Loi !
    A quoi sert un Prof ?

  2. Qu’on se console, on n’a jamais eu autant d’étudiants de Science Po. La politique attire plus que les mathématiques, la preuve que ces matières scientifiques n’ont aucun intérêt pour la majorité des Français. On a les enseignants qu’on mérite.

  3. Dans mon lycée Parisien des années 50, tous les profs étaient agrégés ou normaliens. Certains avaient été des héros de la guerre, résistants et déportés, un ancien de la 2° DB de Leclerc,… Aussi un Prix-Goncourt, un membre des Bourbaki en maths, un historien beau-frère de F.Furet, … Nous les respections intensément et étions très heureux quand ils nous appelaient par nos prénoms !

  4. info recente, une prof de ma connaissance a participé dernierement aux epreuves du BAC, durant l’examen, une eleve demande au prof, quelle heure est il madame? réponse, tu as la pendule en face (une pendule à aiguilles) l’eleve mais madame, je ne sais pas lire l’heure de ces pendules, le prof, alors demandes à ta copine, reponse de cette derniere, ah, mais madame, je ne sais pas lire ces pendules là. En fait ces eleves n’ont pas appris à lire les pendules à aiguilles. pauvre France

  5. Quand on voit l’évolution de l’école depuis 1968 ce n’est qu’un bienfait. Zemmour était le seul à avoir une vraie vision de l’école. Dans le film « profs » à la fin les profs disent que l’idéal est une école sans profs, sans école… juste en vidéo… Je me demande si le coup du confinement ne servait justement pas à la tester entre autre. Ce serait le moyen de sélectionner qui a le droit d’apprendre (l’élite aurait ses écoles) et qui qui doit rester mouton illettré.

  6. Pour les profs de maths, nous aurons les écoliers et étudiants Ukrainiens forts en mathématiques. S’ils veulent bien rester en France…

  7. Les enseignants n’auraient-ils pas votés massivement pour la gôche, par hasard ?
    Et bien vlan. Surtout buvez jusqu’à la lie.

  8. Illustration confirmative de la dégradation intellectuelle de notre pays…
    PAUVRE FRANCE ! ! !

  9. Et voilà le résultat de 30 années de « maltraitance  » des profs par le manque de discipline, le manque de considération et les dégâts incommensurables des « pédagogues » ultra politisés!
    L’avenir ne sera rose pour personne et surtout pas pour les élèves.
    Alors réfléchissez et votez pour celui qui veut renouer avec l’instruction publique

  10. Pourquoi exiger autant de connaissances à nos enseignants alors que le niveau de leurs élèves est de plus en plus bas? Mais ce chiffre est révélateur ( n’en déplaise au ministre de la justice) de la grande insécurité qui règne dans nos établissements scolaires et la suprématie larvée de convictions religieuses s’ estimant supérieures à nos Lois. Pauvres profs….Qui ont abandonné de voter socialiste. Mais trop tard !

  11. J’ai enseigné 35 ans, en maternelle, primaire et collège (agrégé), avec bonheur jusqu’en 2000 environ, ça s’est terminé par un burn out et la retraite anticipée, principalement à cause des élèves musulmans, le salaire n’avait rien à voir avec mon ras-le-bol. Et j’ai voté Zemmour. L’Education Nationale est devenue une catastrophe.

  12. La destruction ,les sanctions ,les cassures en marche …quand on a un brin d’intelligence on doit se rendre compte de ses échecs et partir en courant ..sinon la prétention vous dévore ..

  13. suite : j’ ajoute le nombre de jours enfants malades, les jours de carence ( lundi ),
    absence pour règles douloureuses…….Profs des écoles 26 h / semaine
    Profs 18h/ semaine. Alors le grand numéro des salaires avec en prime 2 semaines de vacances toutes les 6 semaines et l’ année coupée par 2 mois de congé

  14. Je pense que le problème n’ est pas salariale. Les salaires détournent les problèmes.
    La vrai raison est le niveau des candidats, le Bac ne valant pas tripette, les universitaires
    ne peuvent suivre, les amphis des universités sont peuplé d’ ânes, de « suis là pour tuer le temps ».
    Qui oserait en parler : l’ EN a environ 80 % de femmes soit 1,1 million, comptez 1,5 enfant par femme,1,650, multipliez ce nombre par le nombre de jours congé prénatal et post natal,

      1. Vous non plus. Je n’ accuse pas les femmes, j’ accuse le système , des millions de
        jours de non travail, tout est bon à congé et à grève.
        1,4 million d’ employé à l’ EN, à 30000 près le ministre ne sait pas le nombre, 12 millions d’ élèves, le troisième employeur mondial et le bonnet d’ âne pour nos écoliers.

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