Chute historique du nombre de candidats au CAPES : encore une réussite d’Emmanuel Macron !

Les chiffres n'ont étonné que ceux qui ne voulaient pas les voir et qui s'accommodent du récit macronien : si les enseignants s'alarment des réformes, plus aberrantes les unes que les autres, des incivilités, qu'ils subissent quotidiennement, de leur déclassement salarial, que l'inflation et la hausse du SMIC ne rendent que plus criant et de l'absence totale de perspectives de carrières, c'est qu'ils seraient victimes, selon l'expression du Président réélu, du « syndrome de la salle des profs ». Telle était l'expression qu'il avait lâchée, à la veille du premier tour, pour décrire cette supposée tendance, pour les professeurs les moins investis, à décourager les plus motivés. Où était le Bayrou qui, naguère, protestait contre ce genre d'attaques démagogiques ?

Il n'empêche : les bons enseignants, dynamiques, innovants, optimistes, heureux comme les aime notre Président, ne sont tellement pas victimes du syndrome de la salle des profs qu'ils ne veulent même plus y entrer ! Cette session des concours de recrutement est historique par la chute du nombre de candidats. Le phénomène est ancien, mais 2022, dernière année du quinquennat Macron-Blanquer, marque un nouvel affaissement, comme une signature, un bilan. Il est tombé ce mardi 10 mai. En mathématiques, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps à cause de la réforme Blanquer et du niveau des enseignants, seuls 816 candidats sont admissibles, pour 1.035 postes ouverts. On part donc, avant même l'oral, avec un manque de 200 enseignants pour l'an prochain - déjà deux fois plus que l'an dernier ! Même phénomène pour les « petites » disciplines, elles aussi déficitaires en vocations depuis longtemps : en allemand, 83 candidats sont admissibles (contre 177 l'an dernier) pour 215 postes ouverts ; en lettres classiques, 60 admissibles pour 134 postes (85 pour 134 postes en 2021). Mais même la grande sœur des lettres modernes, naguère plus attrayante, subit le même sort : 720 admissibles pour 755 postes (en 2021, 1.301 pour 810 postes). Même constat alarmant pour le concours de professeur des écoles (CRPE) : seulement 180 admissibles pour 219 postes à Paris, 521 admissibles pour 1079 postes à Créteil et 484 admissibles pour 1430 postes à Versailles !

Le ministre étant occupé à se trouver un point de chute dans une circonscription, son administration a dû monter au créneau, lors d'un point de presse mercredi : « Cette baisse était prévisible et a donc été anticipée », a assené sans rire Édouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO). En effet, la rue de Grenelle, tout en sachant les recrutements difficiles, n'a rien trouvé de mieux que de décaler, cette année, les épreuves en master 2 ! Rien de plus attirant, cette nouvelle masterisation du CAPES : cinq ans d'étude, un concours avec sa part d'aléas pour une affectation pour dix ans en région parisienne dans un REP et un salaire à peine au-dessus du SMIC ? Qui voudrait traverser la rue - pardon : la banlieue - pour ça ?

Mais alors, quid des 350 postes de mathématiques supplémentaires, rien que pour assurer le tronc commun de mathématiques rajouté au dernier moment par un ministre qui n'en finit pas de défaire sa réforme du lycée depuis trois ans comme un mauvais terminale grattouillant une conclusion bâclée alors que les quatre heures sont écoulées ? Édouard Geffray, sans doute en partance lui aussi, a réponse à tout : heures supplémentaires, contractuels, concours internes, etc. Le bricolage ordinaire. Non, avec une innovation, cette fois, que l'on voyait venir depuis la zoomolâtrie du confinement : les visioprofs ! Dans l’académie de Nancy-Metz, sept « visioprofesseurs » ont été recrutés pour pallier le manque d’enseignants remplaçants, là où on ne trouve aucun contractuel. Le Monde nous dit que, « rue de Grenelle, on communique peu sur cette expérimentation, sinon pour assurer paradoxalement qu’elle n’a pas vocation à être généralisée ». Pas besoin d'être atteint du syndrome de la salle des profs pour décrypter le message.

Au sujet de ce fameux symptôme, après 25 ans de salle des profs, je vais vous faire une confidence : il est bien plus aigu que ce qu'en dit Emmanuel Macron, car non seulement ils sont de moins en moins nombreux à vouloir y entrer, dans la salle des profs, mais beaucoup font tout pour en sortir. Pire : ils sont de plus en plus nombreux à voter RN ou Zemmour.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

48 commentaires

  1. L’effondrement se poursuit, le problème des autorités c’est que maintenant cela se voit à ciel ouvert.
    C’est bien sur la faute des ministres qui se sont succédé et Blanquer sous des dehors aimable a planté les dernier clous dans le cercueil de Grenelle.
    C’est la faute des syndicats tous puissants.
    C’est la fautes des enseignants sectaires de gauche.
    C’est la faute des parents qui ont laissé leurs enfants dans des classes pourries.
    Bref c’est un désastre francais.

    • « C’est la faute des parents qui ont laissé leurs enfants dans des classes pourries. »
      Avec la carte scolaire de la diversité obligatoire, à part les nantis, les parents n’ont pas vraiment le choix. Combien d’élus ont leurs gosses dans ces classes pourries ?

  2. On peut comprendre qu’il y ait de moins en moins de vocations pour enseigner à ceux qui pour beaucoup n’ont pas envie d’apprendre.

  3. Forcément quand on tend à transformer les enseignants en super pions on devra toujours abaisser le niveau de recrutement.

  4. Jean Michel Blanquer, au sujet des Maths renforcés a déclaré qu’il n’y aurait aucun souci quand au nombre de profs de maths à la prochaine rentrée !! Qui ment ??
    En outre, n’ai-je pas entendu que le CAPES allait être supprimé ? On continue à nages dans la semoule …

  5. 60 pour 134 postes à pourvoir en langue classique : c’est la mort de notre si belle langue Déjà la TV nous a montré comment les fautes de français sont devenues coutume alors qu’au milieu du siècle précédent elles nous aurient interdit l’entrée en sixième .

  6. Macron se prenait pour Jupiter (un Jupiter de théâtre dont le costume est trop grand), en réalité c’est Attila!

  7. Il y a peu, Corbière et Zemmour s’étaient affrontés sur le type d’enseignants à envoyer dans les REP, et pour une fois j’étais d’accord avec Corbière: il faut du personnel aguerri.
    En première mutation, le lauréat du CAPES a deux « chances » sur trois d’atterrir dans l’académie de Créteil ou de Versailles, qui desservent le 9-3.
    De quoi décourager beaucoup de vocations.

    • « aguerri » à quoi? Aux arts martiaux ? Et, en complément obligatoire, aux tribunaux d’assise?

  8. Les enseignants portent eux-mêmes la responsabilité de cette catastrophe.C’est dans les salles de profs que s’est construite l’idéologie mondialiste qui a produit des Macron depuis la fin de la 2°guerre mondiale.Ancien enseignant,je sais de quoi je parle:tous ceux que je connais et connaissais(de l’Ecole jusqu’à la Fac) dénonçaient la droite et votaient de l’Extrême Gôche jusqu’au PS.Votre « PIRE » en est le symbole ,comme s’il s’agissait d’un égarement pour ceux qui commencent à ouvrir les yeux.

      • Malheureusement ce « PIRE » date de la fin de la 2° guerre mondiale,quand déjà de Gaulle a laissé l’EN dans les mains de la gôche et en particulier des communistes.68 est la conséquence de SON référendum en 61 que la droite mondialiste et la Gôche(communistes+syndicats+EN) se sont empressés de soutenir.L’EN a été définitivement décapitée par la réforme HABY de VGA,que Miterrand, l’UMPS(Chirac Sarko) ont utilisée pour produire le macronisme.

    • Avec trois enseignants à la retraite dans la famille, je ne peut que témoigner de la justesse de votre commentaire. La survie de la famille n’a tenue qu’au mutisme de tous ceux qui aurait osé une question, ou remarque « maladroite ».

  9. En commission, un professeur en poste depuis des années s’est vu refuser sa titularisation pour la nième fois car jugé incompétent … Cet « incompétent » reprendra donc son poste à la rentrée comme si de rien n’était car on n’a personne d’autre ! Un contractuel coûte moins cher ! Ne nous trompons pas : Quand on supprime des heures de mathématiques aux élèves, c’est juste un calcul comptable. On sait qu’on ne pourra pas pourvoir tous les postes. La qualité de l’enseignement n’intéresse personne.

  10. Il y a déjà plusieurs années que l’éducation nationale ne remplit plus son rôle d’apporter la culture aux enfants et ados, elle s’empêtre dans des demandes de minorités LGBT et trans qui détruisent le bon sens et la faculté de réflexion de nos jeunes. A cela il faut ajouter le manque d’appuis de l’EN lorsque des professeurs sont agressés par des délinquants ou parents non éduqués durant les cours…on obtient ce qui se produit aujourd’hui c’est à dire un désintéressement total de la profession.

  11. Ancien prof d’anglais moi-même, je suis officiellement à la retraite.

    Au mois de janvier dernier, j’ai contacté par le rectorat du Rhône, pour faire des remplacements, étant donné le manque crucial de profs.
    Appel à mon « esprit du service public », etc.

    J’ai dit non merci, car je donne des cours particuliers désormais. La paie est correcte, l’ambiance très agréable, et pour rien au monde je ne retournerai devant une classe.

    Pour les raisons très bien exprimées dans cette article.

    • Le rectorat de Nice voulait recruter, en tant que remplaçante, mon épouse (docteur en Sciences du langage) pour . . . 1230€/mois. A ce niveau la, c’est du foutage de gueule. C’est NON !!

  12. Je ne plaindrai pas les profs. Ils ont, en grande partie, fait leur tort eux-même. Je me souviens de ces « barbus » de 81 (combien au Palais Bourbon?) qui prêchaient pour plus de bienveillance, moins de discipline, et recommandaient le tutoiement en classe ! Revenons aux heures de colle, à lever le doigt et se lever pour prendre la parole et même au balayage de la salle (je l’ai fait à mon époque et je n’en suis pas mort).

    • Vous vous trompez d’époque car cela fait longtemps que les profs « soixante huitards » sont à la retraite !
      Le jeune prof qui arrive plein d’illusion dans le métier n’est pas responsable de la situation qui est verrouillée par de syndicats néfastes (surtout le SNES et la FEN), une administration qui ne défend pas les profs et des directives ministérielles venant de « pédagogues » délirants. Ils oublient que de favoriser le gout de l’effort fait et ne comptent sur la spontanéité des élèves.

      • Vos « pédagogues délirants » du ministère et des rectorats faisaient partie du mammouth qu’Allegre (pourtant socialo) voulait « dégraisser ». Mais a-t-il réussi ? et ses successeurs (même de pseudo-droite) ont-ils continué ?

    • Ne mettez pas tous les profs dans le même sac, j’ai enseigné 35 ans et voté à droite depuis 1982.

  13. Pourquoi pire ?? Qu’y a t’il de si extraordinaire de vouloir voter RN ou Zemmour ? J’avoue mon étonnement. Sinon quoi de plus normal que l’enseignement n’attire plus, l’ambiance délétère ( pour être gentil) des classes n’est plus à prouver.

  14. Après chaque passage de notre « Jupiter », la destruction est en marche. C’est vraiment formidable cette façon de remercier les institutions dont il a pu profité en les sabordant pour les générations futures. Si le recrutement des profs est de plus en plus difficile il est vrai aussi que la profession en a assez d’être prise pour des petits soldats. Le milieu médical avec l’annonce probable d’une 4ème dose va aussi engendrer une hémorragie. La « start up nation » en marche. Pitoyable.

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