Cher Henri Tincq, comme disait Jean-Paul II, n’ayez pas peur !

Il y a dans la vie, une justice immanente : un clou chasse l’autre, une génération aussi. Ma grand-mère, désespérée par le désordre qui régnait dans la chambre de ma mère adolescente, lui disait en claquant la porte : « Je serai vengée par ta fille ! ». Elle l’a été au centuple. Et qui a traité son père de vieux c… le sera à son tour. C’est écrit et certains papy-boomers, alors que l’on s’apprête à commémorer le demi-siècle de certain mois de mai mémorable, sont en train de le comprendre. Dans la douleur.

La résurrection est, pour les catholiques, jour d’espérance et il y aurait eu mille façons de parler religion en ce jour de Pâques. C’est un entretien empreint d’aigreur avec le journaliste Henri Tincq - spécialiste « religion » émérite du Monde - que Le Point a choisi de publier. Son dernier livre s’intitule « La Grande Peur des Catholiques de France », comprenez surtout : « La Grande Peur d’Henri Tincq ». Car Le Point le dit tout de go, dès le chapô : « Le journaliste s’inquiète ». Il « s’inquiète d’’une dérive identitaire et réactionnaire au sein des fidèles ». Ouloulou, c’est proprement terrifiant. Les Français en frissonnent d’effroi, si vous me pardonnez l’allitération.

Henri Tincq explique qu’il ne « reconnaît plus [son] Église », celle de sa jeunesse, lui qui « [appartient] à une génération de catholiques élevée à l’âge d’or de ces fameux mouvements d’action catholique » qui entendaient « témoigner de leur foi »… « sans recherche excessive (sic) de la visibilité et sans prosélitysme. » Tu m’étonnes. Cette fois, vous admirerez la litote.

Il affirme qu’ « une partie de l’Église se droitise, voire s’extrême droitise », et dénonce une église du « repli sur soi », « des idées d’une galaxie traditionaliste et identitaire portée par des cardinaux rigoristes - Muller, Burke, Sarah -, diffusée par la frange ultra-LMPT incarnée par Marion Maréchal qui convertiraient de plus en plus de fidèles ».
Il sont venus, ils sont tous là, tous les poncifs et les clichés en rang serrés.
Même les évêques, par trop « pusillanimes », selon lui, dans leur opposition à la montée en puissance de cette Église-là, en prennent pour leur grade.

Alors qu’elle a déboulonné avec une cruauté désinvolte celle d’avant, la génération d’Henri Tincq (ou en tout cas une bonne partie), désormais chenue, voudrait que celle d’après, les mains posées sur les genoux et acquiesçant de la tête, écoute au coin du feu la complainte éternelle du « c’était-mieux-avant ». Cette génération ne se sentait aucun devoir envers ses parents, mais attend en revanche beaucoup de ses enfants : un peu de respect ! En rang par deux, et interdiction de suivre une autre route qu’eux !

Elle a bradé l’héritage qui leur revenait de droit, mais loin de leur en demander pardon, leur reproche en sus d’aller fouiller dans les cendres pour sauver ce qui peut l’être. « Qu’as tu fait des promesses de ton baptême ? », lui demandait en 1980 Jean-Paul II au Bourget, de cette voix incomparable à laquelle l’accent polonais rocailleux donnait encore plus de force. Saperlipopette ! C’est vrai ça… elle fouille ses poches, regarde dans la boîte à gants, qu’a-t-elle bien pu en faire ? Sûrement dû les égarer, les laisser traîner dans un coin, les glisser sous le tapis - surtout, pas de « recherche excessive de visibilité » ! - jusqu’à les y oublier. Et dénie en sus le droit à quiconque d’aller les déterrer.

Allez, cher confrère, vous dont le nom tintinnabule comme une cloche de Pâques, « n’ayez pas peur », c’est mauvais pour le cœur. Et sonner le glas vous sied mal au Tincq.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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