ChatGPT, le robot plus intelligent que vous

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Grâce à ChatGPT, robot conversationnel, l’intelligence artificielle va pouvoir voler au secours d’un quotient intellectuel déclinant. Jusqu’au jour où l’IA nous remplacera.

J’ai téléchargé ChatGPT, le nouveau robot conversationnel. Ouah ! C’est im-pres-sion-nant. C’est comme si je m’étais acheté un cerveau, mais pas n’importe lequel : le cerveau d’un député du MoDem qui serait d’accord avec tout le monde, sauf avec les extrêmes. Car ChatGPT est pondéré et de bonne composition, mais volontiers sermonneur. Politiquement parlant, c’est un robot centriste. Depuis que je l’ai testé, je comprends mieux François Bayrou : jamais une idée plus haute que l’autre.

Alors, c’est quoi, un robot conversationnel ? Eh bien, c’est un assistant virtuel générateur de textes. La définition est désespérément indigente au vu des performances de ChatGPT. C’est le couteau suisse de l’intelligence artificielle, un as de la question-réponse qui passe haut la main le test d’Alan Turing. Dans le test de Turing, l’IA doit imiter la conversation humaine jusqu’à ne plus pouvoir distinguer l’homme de la machine. ChatGPT fait mieux : c’est un maestro de la conversation mondaine qui peut traiter avec aisance à peu près tous les sujets. Il renvoie Deep Blue, le super-ordinateur d’IBM qui a battu aux échecs Gary Kasparov, dans la préhistoire balbutiante de la science-fiction et de l’IA, quelque part entre La Soupe aux choux et les cartes perforées.

Luxe suprême, ChatGPT se pique même d’être un peu philosophe, puisqu’il reproduit à la perfection le ton de la dissertation philosophique. Son encyclopédisme est incollable, ce qui lui permet d’avoir un avis informé sur tout – sur la réforme des retraites, sur Emmanuel Macron, sur l’existence de Dieu, sur la recette du pot-au-feu. Malheureusement, cet avis, systématiquement consensuel, est délayé dans les idées générales, comme s’il y avait au-dessus un modérateur caché chargé de filtrer tout ce qui dépasse.

Des professeurs ou des processeurs ?

Au fond, l’IA est très confucéenne : elle s’applique à garder en toute chose le juste milieu, comme l’enseignait maître Kong. La preuve par ChatGPT, qui offre sur chaque problème qui lui est soumis la juste moyenne de façon à combler une majorité d’utilisateurs. C’est, à ce jour, la version la plus complète du politiquement et de l’informatiquement correct. On a si souvent reproché aux algorithmes leurs biais pseudo-racistes qu’ils se doivent d’être irréprochables. Ainsi ne prendra-t-on jamais ChatGPT en flagrant délit d’incorrection politique. Il recrachera le prêt-à-penser, mais avec l’art consommé d’un métronome scolaire jamais pris en défaut. L’art du plan en trois parties breveté par Sciences Po. Plus la peine de passer le concours d’entrée : on entrera désormais rue Saint-Guillaume les doigts dans le nez. Certes, il y a encore, de-ci de-là, dans les envolées à l’eau plate de ChatGPT quelques plis et tics de langage perfectibles, du genre : « Il est important de noter… », « la plupart des experts pensent que… », « certains disent, d’autres… » avec, de loin en loin, une faute d’accord. Mais tout cela est résiduel et sera rapidement corrigé grâce aux algorithmes d’apprentissage par renforcement.

ChatGPT s’annonce d’ores et déjà comme la providence des mauvais élèves. Plus besoin de déployer des trésors d’imagination pour coincer ses antisèches dans une paire de chaussures ou les enrouler dans un bouchon de crayon. ChatGPT pourvoira à tout. C’est d’ailleurs un prof, à Lyon, qui a récemment découvert le pot aux roses. Il a relevé une telle quantité de similitudes dans les copies de ses étudiants qu’il a fini par s’interroger. La moitié d’entre eux avaient soumis le sujet à la sagacité de ChatGPT. Les devoirs se ressemblaient étonnamment : même raisonnement, construction syntaxique plus rigoureuse qu’à l’accoutumée, disparition pour le moins suspecte des fautes d’orthographe. Bref, les élèves semblaient avoir fait un saut quantique, en tout cas qualitatif. On aurait cru des étudiants chinois. ChatGPT est peut-être le dernier espoir de la France pour recoller au classement PISA, mais c’est la fin des enseignants. Bientôt, il n’y aura plus de professeurs, rien que des microprocesseurs.

La civilisation du clic

Aux États-Unis, une majorité d’élèves ne savent plus déchiffrer l’écriture cursive (l’écriture manuscrite avec les caractères liés), le b.a.-ba de l’apprentissage. Et pour cause : ils ont appris à lire et à écrire dès le primaire sur écran. Ce n’est qu’un début. Après la disparition de l’écriture, celle du langage. C’est du moins ce qu’envisage Elon Musk à horizon d’une décennie. Nous risquons alors de perdre la fonction du langage articulé, le propre de l’homme. Ce seront des implants dans le cerveau qui nous permettront de communiquer par ondes électromagnétiques. L’homme, cette antenne-relais !

Vous connaissez la loi d’airain de l’obsolescence programmée : c’est la planification industrielle de la durée des produits - en gros, leur espérance de vie. Il y a moins d’un siècle, les principaux fabricants d’ampoules s’étaient accordés pour que les lampes à incandescence ne dépassent pas les 1.000 heures de consommation. Depuis, c’est devenu la norme industrielle. Mais hier, c’étaient les produits dont on programmait l’obsolescence. Demain, ce seront les hommes – sauf s’ils consentent à être augmentés. L’homme qui s’y refusera sera comme la malle-poste, le moulin à café et les ordinateurs Amstrad™. Une technologie dépassée. On lui consacrera des musées avec des guides virtuels qui feront défiler dans la Grande Galerie de l’évolution son épopée tragi-comique. Ci-gît Homo sapiens, dernier d’une longue série d’hominidés : de -300.000 à 2023.

Ainsi fonctionne le « remplacisme global » théorisé par Renaud Camus.  Simple comme bonjour. Tel est le miracle de la fameuse « expérience utilisateur ». Tout se fait en un clic. Dans sa simplicité d’usage, le premier interrupteur électrique avait déjà fasciné le philosophe Martin Heidegger. Cette boîte, ce commutateur, qui a le pouvoir de faire naître la lumière, apanage divin. Fiat lux. Que la lumière soit ! Et la lumière artificielle fut. Ainsi de l’intelligence. À l’avenir, il suffira d’un clic pour télécharger des points de QI. On aura alors tout loisir d’être bête impunément.

Un peu de tisane, beaucoup de titane

Le paradoxe, c’est qu’au fur et à mesure que les hommes deviennent paresseux, intellectuellement parlant, les machines deviennent de plus en plus performantes. Phénomène des vases communicants. L’homme déchu a choisi par commodité de sous-traiter une part grandissante de son activité cérébrale à des formes d’IA. C’est un cas d’externalisation sans précédent. Ce qui fait de nous les automates de nos automates. C’est d’autant plus vrai avec l’IA, qui représente une menace existentielle, selon la formule consacrée. Elle qui n’a d’autre limite que sa capacité de calcul – illimitée (et encore, on ne parle pas des ordinateurs quantiques).

Difficile de savoir ce qu’il se passera dans un siècle. Quand on demandait à Arthur Koestler, l’auteur du Zéro et l’Infini, ce qui changerait dans les années 1980, il répondait par ce qui ne changerait pas : la monarchie anglaise, la famille nucléaire, les mots croisés du Times. Yuval Noah Harari, le plus célèbre des futurologues, dont les prophéties laxatives sont pieusement recueillies par Mark Zuckerberg, Obama et Bill Gates, n’est pas de cet avis. Chacun de ses livres ressemble à un épisode de Terminator – avant la mise en route du programme Skynet. Un peu de titane et beaucoup de tisane, ou l’inverse.

Un monde peuplé d’humanoïdes narcissiques et dépressifs, aux réactions programmées par avance, aussi prévisibles et transparents qu’une série de langage informatique, placés sous le contrôle d’algorithmes qui seront comme nos anges gardiens : ils veilleront sur nous, sélectionneront les films que nous aimerons, les amis que nous aurons, les idées qu’il conviendra de professer. Bref, la vie rêvée des anges et des cyborgs. La vie se résumera à un marché de données et de gènes. Le cauchemar climatisé dans le ronronnement des machines.

François Bousquet
François Bousquet
Rédacteur en chef d’Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie

Vos commentaires

40 commentaires

  1. « C’est comme si je m’étais acheté un cerveau, mais pas n’importe lequel : le cerveau d’un député du MoDem »
    Eh bien, cette phrase m’a convaincue de ne jamais au grand jamais télécherger cette application.
    Je frémis rien qu’à la pensée d’avoir un cerveau identique à celui d’un député du Modem et sans doute, donc, de député LREM (pardon renaissance avec un cerveau de bulot cuit)

  2. Excellent article, je me permets un fois de plus de rappeler cet écrit d’Albert Camus: tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude ! Cela fait deux fois que je la ressort, mais malheureusement elle décrit bien notre environnement avec la « déconstruction » mentale de notre société. L’IA n’en est que le prolongement inévitable.

  3. Je suis ce que l’on appelle un « climato-réaliste », c’est-à-dire, que je ne nie pas le réchauffement climatique, mais que je ne suis pas d’accord avec les thèses du GIEC qui prétend que le réchauffement climatique est dû essentiellement aux émissions humaine de CO2. Dans ce sens, j’étudie les nombreux autres facteurs qui peuvent affecter ou influencer le climat, en faisant attention de ne pas confondre phénomènes météorologiques et climat. J’ai installé ce « chatGPT », et au niveau du climat, il lui manque de sérieuses informations, car il est programmé dans le sens voulu du GIEC/ONU, et il le reconnaît lui-même. En dehors de ces petits détails, c’est bien mieux que Google…

  4. Le « chat » est un dérivé des 1ers commentaires sur le NET.. en fait c’est de la « tchache » dont on parle

  5. Nous aussi nous subissons l’obsolescence programmée si j’en juge par ce qui se passe dans les EHPAD et certaines urgences hospitalières et l’euthanasie officielle est pour bientôt. : économie de retraites économies de SS. Place aux actifs …et sans nourriture anesthésie salvatrice. Ouvrez les yeux, on y est.

  6. L’homo sapiens va laisser la place à L’homo connectus. Nous en sommes à la première étape, à savoir le remplacement du cerveau de sapiens par le téléphone de connectus, le reste va suivre…

  7. Croyez-vous que les futurs robots vont se limiter à obéir à des algorithmes ? San éthique, ils prendront la main et nous deviendrons leurs subordonnés. Pour le moment ils se contentent d’imiter, presque à la perfection, la physiologie de l’être humain . Demain, ils nous commanderont, par la force si nécessaire, leur auto-renouvellement devenant sans douleur et sans limites. Il est donc indispensable de limiter leur puissance « intellectuelle » (numérique).

  8. Macron est un parfait produit de l’intelligence augmentée. Il faut vérifier.
    Ce qui me gène c’est la dénomination intelligence augmentée. J’y vois plutôt la robotisation augmentée. Ça me glace.

  9. ChatGPT…, tout est dit. Enlevez ce pauvre chat qui n’y est pour rien et vous avez le programme dans toute sa beauté.

  10. Personnellement je pense que : »l’intelligence artificielle n’a aucune chance face à la stupidité naturelle »!

  11. Ne soyons pas inquiet, l’islam va tout balayer et nous ramener au moyen age … à moins que Macron l’ai fait avant.

  12. ChatGPT bientôt dans tous les recoins de l’Abrutissement National.
    Ainsi, toutes les chères têtes blondes, mais pas seulement, auront le même cerveau, les mêmes idées, et surtout les mêmes opinions politiques.

  13. Les progrès techniques à tous les niveaux sont peut-être extraordinaires mais nous conduisent à une déshumanisation effrayante !

  14. >>> sous le contrôle d’algorithmes qui seront comme nos anges gardiens … <<<
    Bravo à l'auteur car c'est un excellent article.
    Il est néanmoins à craindre que la phrase ci-dessus, concernant des "algorithmes-anges-gardiens" ne soit quelque peu optimiste !
    Dans le même esprit, les futuristes des années soixante voyaient dans notre XXIème siècle un siècle de culture et de loisirs résultant des progrès de la science, de la technique et de la robotique, Etc.
    Or, nous voyons bien ce qui se passe en réalité, en fonction de l'impéritie populaire lorsqu'il s'agit de se faire respecter ! C'est le contraire qui se produit.
    Les fruits du progrès se concentrent majoritairement dans un minimum de tiroirs caisses privilégiés (Capital de big pharma, leaders de l'informatique, ténors de la grande distribution, de la pub, Etc.)
    Il n'est donc pas vain de craindre que les algorithmes en question ne soient plutôt gérés dans l' intérêt exclusif de cette classe-là plutôt que dans l'intérêt socio-économique réel du pays !

    • « Il n’est donc pas vain de craindre que les algorithmes en question ne soient plutôt gérés dans l’ intérêt exclusif de cette classe-là … »
      Les avancées technologiques profitent d’abord et avant tout à ceux qui ont les moyens d’y accéder en premier et qui sont, de fait, en capacité de les exploiter à leur bénéfice exclusif. Les autres suivront et accepteront de payer cher une version « mass market » de cette technologie qui les rendra encore un peu plus dépendants qu’avant et donc, de moins en moins capables de choisir eux-mêmes leur voie.

    • Combien de fois n’avons-nous pas lu ou entendu, dans les années soixante: « En l’an 2000 on se nourrira avec des pillules ».

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