Cette année, on pouvait même avoir le bac sans passer aucune épreuve !
On m’a fait suivre un article de La Voix du Nord qui enchante ma journée. Son titre : « Tourcoing : déscolarisée, elle obtient son baccalauréat sans même le passer. » Avec mention, le bac, sinon, ce serait moins drôle.
C’est un miracle de ce temps : une jeune lycéenne tourquennoise, déscolarisée depuis octobre 2020 pour raisons médicales, vient d’obtenir son baccalauréat « sans avoir pu participer à une seule évaluation depuis neuf mois ». La pauvre enfant ne s’en remet pas, se dit même « dégoûtée » par ce succès qu’elle juge indu.
En cause, les tripatouillages de cet an II du Covid, la plupart des épreuves ayant été annulées, et celles maintenues de façon obligatoire, par exemple la philosophie, n’ayant vu leurs résultats comptabilisés « que si la note obtenue venait améliorer celle du contrôle continu ». Ce sont donc les contrôles continus qui, cette année, font à 82 % la note finale.
Oui, mais voilà, la lycéenne en question ayant été dispensée d’évaluations deux trimestres durant, elle se demande bien où l’on est allé chercher ses résultats mirifiques.
Interrogé par La Voix du Nord, le proviseur adjoint de son lycée botte en touche : « Ce n’est pas un cas général, c’est une situation très particulière à propos d’un cas très spécifique. » Les consignes de l’Éducation nationale sont claires : « Un minimum de trois évaluations par trimestre […] est, sauf exception, attendu. » Cette jeune fille est donc l’exception. La preuve : « Le jury n’a pas eu besoin d’être sollicité », dit le rectorat au quotidien.
La France est ce beau pays où l’on frise les 100 % de réussite au bac, qu’on le passe ou pas. C’est merveilleux. D’ailleurs j’ai lu que la moyenne au bac de français était cette année de 13/20. C’était sans doute 5 ou 6 avant les données corrigées des variations saisonnières…
Pourtant… Pourtant, « quand on lit ce qu’on lit et qu’on entend ce qu’on entend », on se dit que la vérité est ailleurs. Quelque part du côté de la déconfiture, comme le déplore un professeur du supérieur dans une tribune (deridet.com). « Il semble bien que le niveau d’intelligence mesuré par les tests de QI diminue dans les pays les plus développés, et qu’une multitude de facteurs puissent en être la cause », écrit-il ; et à cette baisse du niveau moyen d’intelligence s’ajoute un élément que, cette fois, nul ne conteste : l’appauvrissement du langage.
Il s’agit non seulement de la perte du vocabulaire mais aussi de toutes les subtilités qui permettent d’élaborer une pensée complexe. Ainsi « la disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression », écrit-il. Et de donner en exemple la suppression du mot « mademoiselle » : c’est « non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme, il n’y a rien ».
Vouloir, au nom de l’idéologie, purger la langue de toutes ses difficultés lexicales et grammaticales, abolir les conjugaisons et supprimer les genres, est criminel. En effet, poursuit Christophe Clavé, « comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité […] sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être [ici, passer le bac], ce qui a été [ne pas le passer], ce qui est [l’avoir quand même], ce qui pourrait advenir et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? » C’est-à-dire l’échec pour tous ces jeunes dotés d’un diplôme sans valeur.
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