Caroline Galacteros : « Après la pandémie, il faudra réfléchir aux devoirs de l’État vis-à-vis de la population qu’il doit protéger »

CAROLINE GALACTEROS

Jean-Yves Le Drian a convoqué l'ambassadeur de Chine, à la suite de plusieurs tweets sur la gestion de la crise Covid-19 en France.

Au micro de Boulevard Voltaire, Caroline Galacteros revient sur la défiance de l'Occident vis-à vis de la Chine durant cette crise sanitaire mondiale et suggère plutôt aux États de coopérer.

https://www.youtube.com/watch?v=Lyk70EDlnnY&feature=youtu.be

 

Suite à de nombreux Tweets très critiques vis-à-vis de la gestion de l’épidémie de Covid-19, l’ambassadeur chinois en France a été convoqué par l’Élysée. Comment expliquer cette relation ambivalente qu’entretiennent la Chine et la France ?

Je trouve cela très dommageable, maladroit et contre productif. Nous agissons en écho avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui sont en train de mettre en accusation la Chine. Dès qu’il y a un problème qui en l’espèce est un problème collectif et qui devrait appeler un énorme effort multilatéral et de cohésion, au-delà même de la compassion humaine, on a toujours la même approche. On cherche le coupable et on cherche à punir. On tourne en scope nos propres faiblesses et notre propre impuissance. On aurait préféré, sans se l’avouer, que la Chine souffre humainement et qu’elle ait des morts. Or, elle a réussi en un temps record à contenir complètement la pandémie. La Chine a signalé dès le 30 décembre les cas de pneumonie. À partir de début janvier, elle avait informé l’OMS quotidiennement et avait identifié l’agent pathogène. Elle a donné le séquençage du génome du virus. Pendant tout ce temps-là, la France s’est dit que cela n’allait pas nous toucher. Nous n’avons pas fait grand-chose. Je pense qu’un peu d’humilité serait bienvenue. Je trouve cela inutile et assez contre productif.

Les chiffres de la Chine sont-ils véritables ?

Ces chiffres paraissent totalement dérisoires si on les rapporte à la population chinoise. On est à 5 ou 6 fois moins en ratio par rapport à nous, mais ils n’ont pas du tout la même stratégie que nous. Ils ont immédiatement fermé la ville de Wuhan puis la province qui est de la taille de la France.
Ils ont immédiatement fait ce que nous n’avons pas voulu faire pour des questions à la fois idéologiques et d’incapacité de notre système sanitaire. Ils ont isolé, traité de manière radicale. Ils ont fait ce que nous n’avons pas su faire et ce que l’on n’a pas voulu faire.
Aujourd’hui, nous sommes obligés de confiner un pays entier et de mettre notre économie par terre parce que notre système est inadapté. Il y a un manque de réactivité d’empirisme, une incapacité à décider, et très peu d’anticipation stratégique.

Cette absence d’anticipation nous met à la merci de la Chine à cause de la délocalisation. Les masques chinois deviennent l’or blanc de cette crise sanitaire. Faut-il re songer à une relocalisation ? Comment cesser de se rendre dépendant de la Chine ?

Quand on sera sortie de la pandémie, il va falloir réfléchir au socle régalien français que ce soit en matière sanitaire, militaire ou industriel. Énormément de choses sont à reprendre. C’est toute une vision de la politique et de ce que doit être le devoir d’un pouvoir, quelle que soit son orientation politique vis-à-vis d’une population. Le premier devoir de l’État est de protéger sa population. On peut dire que cette pandémie est ce qu’on appelle un cygne noir, très jolie expression, une sorte de surprise stratégique. Il y en aura d’autres. Au lieu de s’accuser les uns les autres d’être à l’origine, à moins qu’on nous démontre que la Chine à sciemment diffusé ce virus, on devrait au contraire entrer dans une phase de compréhension et de coopération tous azimuts de renforcement des mécanismes multilatéraux, au lieu d’aller mettre l’OMS sur la paille, critiquer son directeur sous prétexte qu’il serait proche des Chinois. De mon point de vue, tout cela est à la fois infantile et irresponsable.

Ce qui appartenait hier au domaine du complotisme est en train d’être creusé par des médias officiels. Certains commencent à dire que l’origine du virus viendrait d’un laboratoire chinois. Peut-on porter crédit à ces théories ou cela reste-t-il encore très vague et complotiste ?

Je n’ai pas les informations, mais je pense que le complotisme ne sert à rien. Que des laboratoires dans le monde se préoccupent de guerre bactériologique, fassent tout un tas de manipulation sur les jeunes et étudient les virus, pourquoi pas. En l’occurrence, le laboratoire que vous évoquez est un laboratoire franco-chinois. Il a été fait avec les Français. Là encore, je pense que ce n’est pas le sujet. Cette manière de chercher sans arrêt les coupables au lieu de se demander pourquoi avons-nous choisi cette stratégie et pourquoi n’avons nous pas voulu isoler, trier, traiter ? Pourquoi est-on en retard sur les masques ? Pourquoi ne sait-on pas appuyer sur notre système de médecine de ville ?
Des choses sont tellement plus graves que de s’intéresser à ce qu’on fait ou n’ont pas fait les Chinois aujourd’hui. Cela me semble un dérivatif un peu triste et pas à la hauteur de ce que l’on doit comme compassion à l’ensemble de tous ces morts chinois, russes, américains, européens ou africains. Ce n’est pas à la hauteur humaine et opérationnelle des enjeux.

Caroline Galacteros
Caroline Galacteros
Présidente du think tank Geopragma dirige le cabinet d’intelligence stratégique Planeting

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