« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. ». Cette parole chrétienne instaure une différentiation entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel à partir de laquelle a été conçue la séparation des Églises et de l’État. Cette manière de voir la laïcité est celle qui a prévalu avec les différentes religions au cours de l'Histoire de notre pays. La loi de 1905 en est l'aboutissement chèrement payé : il s'agissait d'empêcher le fait religieux d'influencer les décisions de l’État et de garantir l'impartialité de l'État à l'égard des confessions. Ainsi, cette notion n'a jamais concerné autre chose que la religion. La pratique culturelle, l'appartenance ethnique ou les opinions personnelles n'en ont jamais fait partie. Même quand la République s'ingéniait à gommer les différences culturelles régionales, il n'était pas question de laïcité.

Pourtant, la laïcité a été détournée de son sens initial à force d'être rabâchée pour désigner une forme d'uniformisation des citoyens dépouillés de leurs « attaches prérépublicaines[1] ». Lancée par le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, la campagne nationale de communication qui a cours, en septembre, pour promouvoir la laïcité à l’école en est encore la preuve flagrante : les visuels présentés associent indifféremment la couleur de peau des individus, leurs convictions ou leur culture avec la notion de laïcité. L'une des affiches montre, par exemple, une enfant blanche et un enfant noir fraterniser avec le sous-titre : « Permettre à Eva et Kellijah d'être inséparables tout en étant différents. C'est ça, la laïcité. » Or, non. La laïcité n'a jamais consisté à vouloir fondre les conditionnements culturels, spirituels et ethniques des enfants dans le moule républicain. Le site du gouvernement revendique, d'ailleurs, cet élargissement de la notion de laïcité, censée permettre de « vivre libres, égaux et unis » quelles que soient nos « convictions ». Bien sûr, Liberté, Égalité et Fraternité sont les valeurs de la République. Mais elles ne concernent pas directement la séparation des Églises et de l’État. Une seule affiche fait référence à la religion et évite les associations douteuses : celle qui prône l'idée de donner le même enseignement à des élèves quelles que soient leurs croyances.

L'extension de la notion de laïcité au-delà de la sphère religieuse doit nous interroger. Elle est concomitante avec l'arrivée de l'islam en Europe, et ce n'est sûrement pas un hasard : l’État semble désemparé depuis longtemps. Face à un phénomène polymorphe qui est à la fois une religion et un système politico-juridique, les différents gouvernements ont tenté d'appliquer la même distinction qu'avec les autres religions sans remarquer à quel point il était inconcevable d'imposer cette séparation à cette religion si particulière. Inconcevable, parce que l'islam refuse depuis le Xe siècle toute remise en question du Coran, rendant leur livre sacré figé dans le temps sans adaptation aux sociétés dans lesquelles il s'implante. Constatant cette particularité de l'islam, sans savoir comment endiguer son impact, nos gouvernants ont essayé d'élargir la laïcité dans de multiples domaines, quitte à impacter les autres religions, victimes collatérales d'une préoccupation qui ne les concernait pas.

La manière dont notre pays conçoit traditionnellement le rapport entre les religions et l’État est l'une des clés qui doit nous permettre de lutter contre les excès de l’islam. Quand les musulmans ou tous autres croyants ne la reconnaissent pas, cette règle doit leur être rappelée. Mais il est nécessaire que l’État se borne aux limites que la Constitution donne à la laïcité et qu'il remette en valeur les spécificités de notre civilisation. C'est la raison pour laquelle je milite depuis de nombreuses années pour l'introduction des racines chrétiennes de la France dans la Constitution.

 

[1]Vincent Peillon, La Révolution française n’est pas terminée, Le Seuil, 2008.

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16 septembre 2021 à 15:14

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