L'année 2021 marque le centenaire de la mort du musicien français Camille Saint-Saëns, né le 9 octobre 1835 à Paris et mort à Alger le 16 décembre 1921. Orphelin de père dès l'âge de trois mois, l'enfant Camille est initié au piano dès l'âge de deux ans par sa grand-tante. Ce génie précoce à l'oreille absolue compose dès l'âge de 5 ans et donne son premier concert à 10 ans, salle Pleyel, à Paris ; Saint-Saëns y interprète, sans partitions, Mozart, Bach, Beethoven et Haendel. Rien que ça. Acclamé par le public, la carrière du jeune prodige est lancée.

Cent ans plus tard, Saint-Saëns continue de fasciner. Le jeune Emmanuel Macron avait choisi, pour sa cérémonie d'investiture en 2017, une œuvre pour orgue et orchestre du compositeur, Cyprès et Lauriers, créée en 1919 pour célébrer la victoire des Alliés après la Première Guerre mondiale. Macron avait aussi choisi Berlioz avec l'Apothéose conclusive de la Symphonie funèbre et triomphale. On est loin de l'accueil fait à l'Élysée au DJ Kiddy Smile, entres autres, arrivé sur scène dans un T-shirt « Fils d'immigré, noir et pédé » le jour de la fête à la musique.

« Cette fois, je crois que c'est vraiment la fin. » Selon la légende, ce seraient les derniers mots de l'illustre compositeur de la Danse macabre et du Carnaval des animaux. Un chef-d'œuvre, ce Carnaval, que le maître a pourtant refusé de son vivant de laisser exécuter publiquement, car il le considérait « indigne de représentation ». La même partition est devenue, hélas, le générique officiel du très progressiste festival de Cannes. Saint-Saëns, « le plus grand organiste du monde », selon son grand ami Franz Liszt, était également un grand défenseur de la musique française. Il fonde la Société nationale de musique pour promouvoir les compositeurs français de sa génération - Jules Massenet, César Franck, Gabriel Fauré notamment. Il s'érige en héros national face à l’hégémonie culturelle germanique, lui qui était pourtant un admirateur de Wagner. Engagé politiquement, « compositeur national » sous la Troisième République, Saint-Saëns, réfractaire à la musique « des modernes » et aux mondanités, assume son nationalisme, participe à l’effort de guerre en 14-18, contribue à l’élaboration d’une culture coloniale et (âmes sensibles s'abstenir) endosse un conservatisme décomplexé en déployant une « passion des anciens » : c'est à la fois un ennemi de l'avant-garde culturelle, un ennemi du féminisme et un ennemi du socialisme !

Camille Saint-Saëns adoptait également des positions que l'on qualifierait, de nos jours, d'assez nauséabondes, voire de non inclusives : une conception européo-centriste de la musique, la distinction entre « latinité et barbarie », le « nous » et le « eux ». Nul doute, cet érudit, voyageur, solitaire et polémiste, coche toutes les cases du réactionnaire selon les critères de notre époque. On ose à peine imaginer la micro-agression qu'engendrerait, chez Rama Yade, l'écoute de sa Symphonie n° 3  ou de son célébrissime Aquarium.

Il a donné des concerts sur cinq continents et composé 600 œuvres. Porté aux nues puis vilipendé, oublié et ringardisé le lendemain de sa mort, dépassé par de plus modernes comme Erik Satie et Claude Debussy, par exemple, des « anarchistes de la musique » selon lui, Camille Saint-Saëns est probablement la preuve en musique que, contrairement au progressisme, la tradition est le seul progrès qui réussit encore.

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18 décembre 2021 à 11:00

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